Alstom : la galère du gouvernement pour raccrocher les wagons

La menace de fermeture de l’usine de Belfort met en lumière les failles d’anticipation de l’exécutif. Et pour l’instant, les portes de sortie de crise sont très hasardeuses…

Et revoilà Alstom… Un dossier sur lequel tant de gouvernements se sont cassés les dents, et dont François Hollande se serait bien passé à sept mois de l’élection présidentielle. Depuis que l’entreprise de transport a annoncé, le 7 septembre, le transfert des activités de l’usine de Belfort à Reichshoffen, en Alsace, d’ici à 2018, c’est la panique au sein de l’exécutif. Mardi, le gouvernement s’est donné « dix jours » pour trouver des solutions aux plus de 480 salariés concernés. « Tout sera fait pour que le site de Belfort soit pérennisé » pour « plusieurs années », a assuré François Hollande. A l’Elysée et à Bercy, on rame pour tenter de sauver la face sur ce dossier dans lequel le gouvernement paie une accumulation d’erreurs.

D’abord, même s’il a joué la surprise, l’exécutif était bel et bien au courant. Selon le Canard enchaîné et RTL, plusieurs parlementaires du grand Est ont fait part depuis 2015 de leurs inquiétudes sur le maintien de l’activité d’Alstom dans la région. Même si à Bercy, on glisse que ces alertes ne concernaient pas précisément l’usine de Belfort, mais plutôt celle de Reichshoffen, qui emploie deux fois plus de salariés. Autre élément accablant : depuis deux ans, l’Etat dispose d’un représentant au conseil d’administration d’Alstom, où il détient 20% des voix. Représentant qui n’a visiblement rien trouvé à redire – du moins publiquement – à l’annonce-choc qui se préparait. A moins qu’il n’ait été fâcheusement tenu à l’écart de ces discussions sensibles, ce qui n’est pas moins grave. Chez Alstom, on botte en touche sur ce point : « Ce qui se passe en conseil d’administration est sous le sceau de la confidentialité… » Circulez, y a rien à voir.

Petits règlements de comptes

Si l’Etat est pris en flagrant délit de manque d’anticipation, à qui revient la faute précisément ? La droite a rapidement ciblé l’ex-ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, qui a claqué sa démission le 30 août. Et l’intéressé n’a trouvé aucun soutien chez ses anciens petits camarades. « Il faudrait d’abord demander à Macron ce qu’il avait mis en place, a aimablement balancé son successeur Michel Sapin dans Le Monde. La vérité, c’est qu’il avait levé le pied depuis un an. » De son côté, Emmanuel Macron assure au quotidien du soir qu’il n’était au courant de rien : « La décision annoncée il y a quelques jours n’était ni attendue ni prévue. Le PDG d’Alstom ne l’a jamais évoquée dans nos échanges. Je ne peux m’empêcher d’y voir une décision opportuniste, prise à la faveur de mon départ du gouvernement. »

Evidemment, ces petits règlements de comptes ne font en rien avancer le schmilblick. Charge au gouvernement de trouver une porte de sortie, et vite. L’ombre d’un Florange bis plane sur le dossier : pas question pour François Hollande, qui est déjà en campagne pour 2017, de rééditer cet épisode qui s’était conclu par la fermeture des deux derniers hauts fourneaux lorrains d’ArcelorMittal, alors qu’il s’était engagé à les préserver en 2012.

Qui veut des locomotives ?

Mais que peut-il faire ? Contrairement à ce qu’a déclaré Manuel Valls sur Europe 1 dimanche, il ne s’agit pas de « sauver » Alstom. Réduite à sa seule activité transport depuis la cession de la branche énergie à l’Américain General Electric en 2014, l’entreprise va bien : son carnet de commandes se montait à près de 30 milliards d’euros fin juin 2016. Le problème, c’est que l’usine de Belfort est spécialisée dans les locomotives. Or, de ce côté, les commandes seront à sec à partir de 2018…

Voilà donc le gouvernement sommé de trouver en urgence à qui Alstom pourrait bien refourguer des motrices. Ses yeux se sont aussitôt tournés vers la SNCF, dont l’Etat est actionnaire à 100%. Ça commence mal : Alstom a perdu cet été un contrat de 44 motrices pour la société Akiem, filiale de… la SNCF, codétenue avec la Deutsche Bank ! Par ailleurs, l’entreprise ferroviaire, toujours lourdement endettée, ne compte pas commander de rames de TGV avant 2022. Mardi, le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, a énuméré d’autres pistes : un appel d’offres de la RATP cet automne, la ligne Lyon-Turin, le RER d’Ile-de-France ou encore le renouvellement des trains Corail. Sans aucune garantie de concrétisation pour l’instant. Chez Alstom, on assure qu’« qu’aucune décision ne sera prise avant la fin des négociations » avec le gouvernement, tout en insistant sur la volonté d’entrer « vraiment dans une phase d’apaisement ».

Il faut ajouter à ce sac de nœuds une contrainte juridique : la sacro-sainte concurrence libre et non faussée sur laquelle Bruxelles veille scrupuleusement. La Commission européenne est habilitée à sanctionner une commande qui ne rentrerait pas dans les clous d’une mise en concurrence entre Alstom et ses petits camarades. De quoi contrarier sérieusement le patriotisme économique auquel le gouvernement se raccroche pour tenter de sauver Belfort.

 

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