Syrie : un bien fragile accord de cessez-le-feu

Un accord de cessez-le-feu entre les forces de Bachar al-Assad et les forces de l’opposition syrienne devrait entrer en vigueur ce lundi 12 septembre. Si la trêve tient, elle pourrait ouvrir sur une coopération à long terme entre Moscou et Washington dans la lutte contre Daech. Mais à ce stade, tout indique que les kalachnikovs ne devraient pas se taire bien longtemps.

C’est un accord qui ne tient qu’à un fil. Après plus d’une dizaine d’heures de négociation, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères et John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, se sont mis d’accord samedi 10 septembre sur une trêve en Syrie. Un cessez-le-feu qui devrait entrer en vigueur ce lundi 12 septembre, premier jour de l’Aïd el-Kébir, à 19 heures, entre Bachar al-Assad et la rébellion dite « modérée ». Un arrêt des combats qui exclu de facto les forces d’Abou Bakr al Baghdadi, l’auto-proclamé « calife » de l’Etat islamique et du Front Fatah al Cham, l’ex-Front al Nosra, qui malgré son récent changement de nom reste toujours classé comme groupe « terroriste » par Moscou et Washington.

L’accord appelle à l’arrêt des combats, y compris les raids de l’aviation, principal atout du régime, contre les forces rebelles. Il prévoit également un accès humanitaire aux zones assiégées ainsi qu’une « démilitarisation » de la route du Castello au nord d’Alep. Depuis la reprise par les forces du régime de la route au sud de la ville, les quartiers Est d’Alep, tenus par différents groupes opposés à Assad, ne bénéficient plus d’axe de ravitaillement.

L’opposition réclame des « garanties »

Prévue d’abord pour 48 heures, renouvelable plusieurs fois, ce cessez-le-feu, s’il dure « une semaine » pourrait déboucher sur une collaboration à long terme entre les forces américaines et russes dans la lutte contre l’Etat islamique, selon John Kerry. Ce qui représenterait un tournant dans la guerre contre Daech en Syrie. Jusque-là, la Russie comme les Etats-Unis, tout en évitant soigneusement de se croiser, travaillent chacun de leur côté. Les bombardiers Russes venant en renfort de Bachar al-Assad, et ceux des Américains en soutien aux rebelles.

Damas et ses alliés, l’Iran et le Hezbollah, ont fait savoir qu’ils acceptaient de respecter l’accord. Ankara de son côté s’est aussi félicité de ce pacte. Pour sa part, l’opposition syrienne est bien plus sceptique, réclamant notamment des « garanties ». « Nous voulons savoir quelles sont les garanties (…) Nous espérons qu’il y aura des garanties et nous demandons des garanties spécialement des États-Unis, qui sont partie prenante de l’accord », a affirmé à l’AFP Salem al-Mouslet, le porte-parole du Haut comité des négociations (HCN) de l’opposition syrienne. Méfiance issue de l’expérience ? En février dernier, un premier accord russo-américain avait été violé au bout de quelques semaines.

Parmi les groupes opposés à Bachar al-Assad, Ahrar al-Cham, un groupe salafiste appuyé par la Turquie, dont l’un des représentants s’était retrouvé aux tables des discussions ouvertes à Genève sur l’avenir de la Syrie, a déjà rejeté officiellement l’accord. « Le peuple (syrien) ne peut pas accepter des demi-solutions », a affirmé Ali el-Omar, adjoint du commandant général du groupe dans un discours diffusé sur YouTube.

Ahrar al Sham refuse officiellement la trêve, se plaçant de facto dans la liste des cibles potentielles USA/Russie

— Frédéric Pichon (@Fred_Pichon) 12 septembre 2016

Des intérêts loin d’être convergents

Mais dans le nord de la Syrie, la Turquie a fait savoir, malgré l’entrée en vigueur de ce cessez-le-feu, qu’elle poursuivra l’opération « Bouclier de l’Euphrate« . « Nous allons continuer le combat jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun terroriste », a déclaré à la presse le général Hulusi Akar, cité par l’agence de presse pro-gouvernementale Anadolu. Des opérations qui visent tout autant les combattants de l’EI que les Kurdes des YPG. Des déclarations qui rendent donc impossible l’unification sur ce front du camp contre Daech. Quant à Bachar al-Assad, il a déclaré ce lundi lors d’une visite à Daraya, tout juste repris aux rebelles, que « l’Etat syrien est déterminé à reprendre aux terroristes toutes les régions et à rétablir la sécurité ». Et dans la bouche d’Assad, le mot « terroriste » désigne tout autant l’EI que l’opposition armée.

#Syrie le président syrien #Assad ds les rues de #Daraya #Damas fraîchement évacuée par rebelles & civils pic.twitter.com/xtFhLJXHgG

— Wassim Nasr (@SimNasr) 12 septembre 2016

A ce stade, on le voit donc, la voie d’un règlement politique des conflits entre adversaires de Daech plutôt que par les kalachnikovs est encore loin, très loin, d’être acquis. 

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