La loi Travail El Khomri constitue un projet global qui infuse son esprit et ses effets dans tous les domaines de l’activité. C’est ainsi qu’une déclinaison est actuellement en préparation dans l’éducation nationale : le PPCR ou « parcours professionnels, carrières et rémunérations ».
Pour tenter de dissuader les convergences interprofessionnelles, les concepteurs de la loi Travail dite El Khomri n’ont eu de cesse de répéter qu’elle ne concernait que le secteur privé. Il est certes vrai que le service public en général, et l’éducation nationale en particulier, possèdent leurs propres dispositifs pour procéder à la casse de ce qui tient lieu de droit social et de code du travail : les statuts des personnels et les garanties collectives qui vont avec. La diversité des formes de précarité, de la part d’un Etat se comportant trop souvent en patron pas très regardant et si peu vertueux en la matière, en atteste aisément. Le décret du 20 août 2014 du ministre Benoît Hamon, alors bras armé de la bien-pensance libérale avant de devenir frondeur pour revenir dans le giron de la primaire socialiste, avait sérieusement écorné les statuts des enseignants.
La loi Travail El Khomri constitue un projet global qui infuse son esprit et ses effets dans tous les domaines de l’activité. C’est ainsi qu’une déclinaison est actuellement en préparation dans l’éducation nationale : le PPCR ou « parcours professionnels, carrières et rémunérations ». Les points communs avec la loi El Khomri sont si nombreux que la consanguinité ne fait pas l’ombre d’un doute. Protocole ne satisfaisant pas à la règle de l’accord majoritaire, le PPCR vise à amplifier la dérive d’une gestion managériale accentuée par la remise en cause des statuts nationaux.
Les dispositifs de la nouvelle évaluation des enseignants équivalent en effet à l’inversion de la hiérarchie des normes de la loi El Khomri. Les quatre rendez-vous de carrière et le bilan professionnel annuel ramènent au niveau de l’établissement les procédures d’évaluation dans la logique de l’autonomie (de l’entreprise/établissement…) et de la gestion managériale. Il y a par ailleurs plus que des ressemblances avec le décret Chatel qui modifiait l’évaluation des enseignants dans ce sens et qui avait été abrogé en 2012 après une forte mobilisation. Les enseignants seraient évalués sur la base d’une grille de « compétences professionnelles » floues. La seule cohérence de ce référentiel réside dans l’acceptation des réformes comme celle du collège : le but est bien de favoriser l’intériorisation de mesures pourtant contestées par la grande majorité des enseignants. C’est donc ouvrir la porte à l’arbitraire, aux antipodes de la liberté pédagogique. La maîtrise des ces compétences devrait être régulièrement revalidée. Alors que pour les élèves les compétences du socle commun, dès lors qu’elles ont été validées une fois, sont considérées comme définitivement acquises…
Le PPCR sert aussi de levier à l’application de l’austérité en procédant à un véritable enfumage sur la revalorisation salariale promise par le gouvernement après de longues années de gel du point d’indice et de fonte du pouvoir d’achat. La revalorisation indiciaire, déjà indigente, est par ailleurs cosmétique. Elle s’effectue en réalité sur le mode d’un autofinancement par les personnels eux-mêmes. Les gains annoncés seront compensés par l’allongement du déroulement des carrières qui acte la réforme des retraites conduisant à un départ plus tardif, le contingentement de plus en plus rigoriste des promotions aux échelons et la création d’une classe exceptionnelle réservée à une infime minorité qui aura donné des gages d’une implication docile. Au même moment, le recrutement de contractuels, moins onéreux mais davantage taillables et corvéables à merci en raison de l’absence de statut protecteur contre les pressions managériales, est favorisé après que l’assèchement de l’attractivité du métier ait été méthodiquement planifié.
Derrière le PPCR, c’est l’imposition à la hussarde du new public management qui apparaît en filigrane. Les implications sur l’exercice au quotidien du métier sont considérables : c’est rien moins que l’identité enseignante qui est bousculée et menacée, la liberté pédagogique menacée, tout ceci au nom de l’imposition de la pédagogie officielle de la prétendue refondation. La loi El Khomri est bien une pièce majeure du dispositif de casse du pacte social et républicain. Sa transposition à l’école par le PPCR constitue une étape supplémentaire dans la (re)conquête de l’hégémonie culturelle contre le salariat dans son ensemble : le primat de l’individualisation sur les garanties collectives doit devenir la norme et rentrer dans les consciences.
C’est une raison de plus pour être en grève interprofessionnelle jeudi 15 septembre contre la loi El Khomri, et plus particulièrement pour le monde de l’éducation après la mobilisation en demi-teinte de la semaine précédente contre la réforme du collège.
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