Lors de l’ouverture de son procès ce 5 septembre, Jérôme Cahuzac a affirmé pour la première fois que son compte en Suisse avait été ouvert en 1992 pour financer les activités politiques de Michel Rocard. Il a précisé que ce dernier, décédé il y a tout juste deux mois, « l’ignorait probablement ». Et a laissé planer un doute lourd de sens sur d’autres rocardiens impliqués…
L’hypothèse avait été évoquée dans certains livres-enquêtes. Elle vient d’être confirmée par Jérôme Cahuzac lui-même. C’est la première révélation du procès de l’ancien ministre du Budget, procès qui a débuté ce lundi 5 septembre : devant la cour, Jérôme Cahuzac a affirmé que son compte ouvert illégalement en Suisse en 1992, et sur lequel il lui est reproché d’avoir caché l’équivalent de 600.000 euros au fil des années, a servi « au financement d’activités politiques » au profit de son mentor de l’époque, Michel Rocard. Ce financement aurait duré sept mois. Une affirmation qui intervient deux mois après le décès de l’ancien Premier ministre.
Jérôme Cahuzac déclare :
« J’ai demandé à Philippe Péninque d’ouvrir un compte en Suisse en 1992 (…). Ce compte, c’est du financement d’activités politiques pour un homme dont j’espérais qu’il aurait un destin politique national. »
Il affirme avoir accepté « de participer par militantisme » au financement illégal de la vie politique d’un Michel Rocard qui « ignorait probablement cela« .
S’il refuse de donner les noms de ceux qui ont agi avec lui à l’époque, Jérôme Cahuzac « rigole pour la première fois » lorsque le juge lui demande si ses acolytes d’alors « ont toujours des fonctions politiques aujourd’hui« , témoigne la journaliste Charlotte Chaffanjon, présente à l’audience et auteure d’un des livres-enquêtes sur l’ancien ministre. Toujours devant les juges, Cahuzac ajoute cette accusation lourde de sous-entendus : « Depuis, certains ont progressé, moi j’ai regressé« , lance-t-il à propos des rocardiens impliqués dans ce financement illégal présumé. Inévitablement, les regards se tournent vers les membres du gouvernement qui ont soutenu activement Michel Rocard, comme Manuel Valls ou Michel Sapin.
Cet argent destiné, selon ses dires, à financer la campagne d’un Michel Rocard alors Premier ministre, venait de l’industrie pharmaceutique. Il évoque devant la cour « deux versements des laboratoires Pfizer » au profit du financement politique en 1993. Et ajoute que cette industrie pharmaceutique « a financé tous les politiques et certains plus que d’autres« .
L’hypothèse d’une caisse noire rocardienne avait notamment été évoquée dans l’ouvrage de Jean-Luc Barré, Dissimulations, paru en janvier 2016 ou dans celui du journaliste de Mediapart Fabrice Arfi, L’Affaire Cahuzac. Une hypothèse démentie à l’intérieur par un très proche compagnon de route de Michel Rocard, Yves Colmou – le même qui a ouvert les portes de Matignon à Manuel Valls en 1988 et qui le conseille toujours aujourd’hui. « Je pense que ça n’est pas exacte, déminait-il. Michel Rocard est l’auteur de la loi qui a plafonné les dépenses de campagne à toutes les élections et qui a organisé un contrôle sur les financements des campagnes. C’est quelqu’un dont le combat politique est placé sous le signe de la rigueur et de la morale.«
Une image que Jérôme Cahuzac semble décidé à démolir par son témoignage ce lundi, tout en prenant soin d’ajouter qu’il n’a pas voulu l’avouer immédiatement « pour ne pas faire de mal à Michel Rocard« . Et tout en laissant planer un doute lourd de sens sur ceux qui ont pu l’aider à l’époque, et qui seraient toujours actifs en politique aujourd’hui…
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