Tafta : pourquoi les négociations ne s’arrêtent pas (malgré les cris d’orfraie de la France)

François Hollande et le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl, multiplient les déclarations hostiles au traité de libre-échange transatlantique. Pourtant, la Commission européenne continue à négocier avec les Etats-Unis, sur fond de bras de fer entre Paris et Bruxelles…

Le gouvernement tient-il un double discours sur le traité de libre-échange transatlantique (Tafta) ? Publiquement, l’exécutif ne cesse depuis des mois de multiplier les réserves sur ce projet d’accord négocié depuis 2013 dans une grande opacité entre la Commission européenne et les Etats-Unis. Une petite musique qui a commencé il y a près d’un an lorsque Matthias Fekl, le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, créait la surprise en déclarant que « la France envisage toute les options, y compris l’arrêt pur et simple des négociations ». Depuis, les avertissements sont allés crescendo. « On ne va pas signer à tout prix », assurait le même Matthias Fekl en avril. L’arrêt des négociations « semble l’option la plus probable », renchérissait-il en mai. François Hollande lui-même est entré dans la danse au printemps. « A ce stade, la France dit non, affirmait le chef de l’Etat début mai. Jamais nous n’accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité pour l’accès aux marchés publics. »

Et pourtant, pendant ce temps-là… les discussions entre Bruxelles et Washington continuent comme si de rien n’était ! Le 14e round de négociations a été bouclé en juillet et le 15e round est prévu pour octobre. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, l’a confirmé ce dimanche 4 septembre en marge du G20 de Hangzhou, en Chine : « Nous continuerons de négocier avec les Etats-Unis ». Et c’est logique puisque officiellement, la Commission a toujours mandat des Etats membres de l’Union européenne pour mener ces discussions. « Lors du dernier Conseil européen en juin, j’ai demandé à l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement s’ils voulaient que l’on poursuive les négociations. La réponse fut un oui », a d’ailleurs souligné un Jean-Claude Juncker agacé. Pour lui, donc, « il n’y a rien de neuf sous le soleil ».

« Il faut un coup d’arrêt clair et définitif »

De fait, à l’issue du Conseil européen des 28 et 29 juin, Jean-Claude Juncker avait déjà annoncé dans une conférence de presse que tous les Etats membres avaient confirmé le mandat de la Commission. Cela signifie-t-il que, malgré les déclarations de plus en plus hostiles au Tafta, Paris n’ait rien trouvé à redire à la poursuite des négociations ? Une source diplomatique française conteste la version des faits présentée par Juncker : « Il n’y a jamais eu de demande de renouvellement du mandat, ça n’existe pas juridiquement. » Au gouvernement, on peste donc contre le piège que tendrait le président de la Commission à la France en accréditant l’idée qu’aucun Etat membre ne s’oppose réellement à la poursuite des négociations. « J’invite la Commission à faire moins de déclarations fracassantes contre les Etats membres », s’était déjà agacé Matthias Fekl début juillet. Et ce lundi depuis le G20, François Hollande a rétorqué au patron de la Commission par une formule sibylline : « Jean-Claude Juncker peut poursuivre, mais la position de la France est claire… »

Il n’empêche : l’exécutif français a beau multiplier les avertissements, le Tafta est, de fait, toujours en discussion. Le 30 août, Matthias Fekl a assuré que la France demanderait « l’arrêt de ces négociations » lors d’une réunion des ministres européens du commerce extérieur prévue le 22 septembre. « Il faut un coup d’arrêt clair et définitif à ces négociations pour repartir sur de bonnes bases », argue le secrétaire d’Etat. Certes, mais seul le Conseil européen – c’est à dire les chefs d’Etat et de gouvernement – a le poids politique suffisant pour stopper les discussions. Or, François Hollande sait qu’il pourra difficilement enterrer le Tafta en un claquement de doigts, alors que la chancelière allemande Angela Merkel soutient toujours le projet, malgré les réserves publiques émises par son ministre de l’Economie, Sigmar Gabriel. Ou quand le réalisme rattrape cruellement les coups de menton publics…

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