Quatre ans après la révélation des comptes cachés de Jérôme Cahuzac, l’ex-ministre du Budget revient devant la justice cet ce 5 septembre. La pire affaire du quinquennat Hollande aura au moins eu le mérite de moderniser rapidement la lutte contre les fraudeurs politiques de haut vol…
Le procès pour fraude fiscale et blanchiment de Jérôme Cahuzac reprend ce lundi 5 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris, après sept mois d’interruption en raison du dépôt par l’ancien ministre du Budget de François Hollande d’une question prioritaire de constitutionnalité (finalement rejetée le 24 juin dernier).
De furieuses zones d’ombre persistent sur cette affaire fiscale révélée par Mediapart en décembre 2012. L’ancien ministre chargé du Budget, pourfendeur de la fraude fiscale devenu le plus retentissant menteur politique de ces dernières années, devra s’expliquer pour avoir minoré sa déclaration de patrimoine, fraudé le fisc, et blanchit de l’argent, pour un joli pactole de 600 000 euros caché en Suisse puis à Singapour.
Après l’affaire, où l’on a vu un ministre en exercice mentir éhontément aux Français, leur clamant son innocence même lors de sa démission, s’est ouvert un nouveau chapitre de la transparence financière de nos plus ou moins chers élus. Malgré lui, Cahuzac a permis la mise en place de mesures anti-fraude, encore très imparfaites mais sans précédent en France, promises en avril 2013 par François Hollande.
Le président de la République a fait voter une loi dans la foulée, allongeant de 5 à 10 ans la peine d’inégibilité des élus condamnés pour faits de corruption. S’en est suivi la création d’un parquet financier, chargé de traquer les administrés fraudeurs et/ou corrompus. Mais aussi de la fameuse Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) chargée de recevoir et contrôler les déclarations de patrimoine de plus de 8 000 hauts responsables politiques. En tout, 16 dossiers de politiciens ont été transmis à la justice depuis sa création.
La première personnalité à tomber entre les mains de l’HATVP est Yamina Benguigui, ancienne ministre de la Francophonie (2012-2014). Marianne révèle en mars 2014, soit à peine quelques jours avant la démission de Cahuzac, que la ministre a omis de déclarer pas moins de 430 000 euros d’actions détenus dans des sociétés belges. La Haute autorité va s’emparer du dossier et confirmer l’anomalie. La ministre sera par la suite renvoyée en correctionnelle, puis condamnée en septembre 2015. Elle a été rejugée en appel la semaine dernière, et connaîtra le fin mot de l’histoire le 27 septembre.
Le FN au Parlement européen a également été épinglé, cette fois non pas pour avoir omis, mais pour avoir “minoré” des avoirs dans ses déclarations transmises à la HATVP. Les eurodéputés Jean-Marie et Marine Le Pen sont soupçonnés d’avoir “manifestement sous-évalués des biens immobiliers”.
► Les cumulards des erreurs de patrimoine
Autre catégorie : les cumulards. Comme le couple Balkany, des responsables politiques ont été pris pour avoir à la fois omis ET sous-évalué des biens dans leur déclaration. Le député-maire LR de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) Patrick Balkany a été mis en examen en janvier 2016 pour “déclarations mensongères”, alors que sa femme Isabelle Balkany est poursuivie pour fraude fiscale. Même cas de figure pour le sénateur (LR) de l’Essonne Serge Dassault, épinglé en juin 2014 par la HATVP pour une déclaration ni « exhaustive », ni « sincère », qui lui vaut un procès se poursuivant en novembre prochain.
>> Blanchiment de fraude fiscale : quand le fils Balkany essaie (en vain) de couvrir papa-maman
Sans parler des hommes politiques de la “zone grise”, selon l’expression de Jean-Louis Nadal, président de la HATVP, où figure par exemple le “Monsieur Parlement” du gouvernement, Jean-Marie Le Guen. Dans ce cas de figure, les faits reprochés ont rapidement été régularisés par l’intéressé, mais tout de même portés à la connaissance du public « en raison de l’importance des lacunes et des erreurs dans les déclarations ».
Un seul élu a cependant été pour le moment définitivement condamné suite aux lois post-Cahuzac pour la transparence politique de 2013. Bruno Sido, sénateur LR de Haute-Marne, avait été épinglé en novembre 2014 par la HATVP, pour avoir « oublié » de déclarer 160 000 euros qu’il détenait sur un compte en Suisse. Plaidant coupable, il a été condamné en avril 2016 à 60 000 euros d’amende et 6 mois de prison avec sursis pour omission sur sa déclaration et blanchiment de fraude fiscale.
Malgré cette condamnation, Bruno Sido a conservé ses mandats de sénateur et de président de conseil départemental… Belle preuve des faiblesses encore nombreuses des dispositifs post-Cahuzac.
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