En France et en Europe, les pro-Gülen subissent aussi la répression d'Erdogan

Depuis le coup d’État raté en Turquie, Recep Erdogan a lancé une campagne de répression à l’encontre des partisans de Fethullah Gülen, son ancien allié, suspecté d’avoir tiré les ficelles du putsch. Un climat de violence qui s’exporte également en Europe.

Locaux incendiés, agressions physiques, menaces de mort. Depuis le putsch raté contre Recep Erdogan, mi-juillet, les partisans de Fethullah Gülen vivent sous la menace permanente. En Turquie, d’abord, où plus de 40 000 personnes ont été interpellées, suspectées d’avoir participé de près ou de loin à la tentative du coup d’État avorté. Les Gülenistes, dont leur chef spirituel est accusé par Ankara d’avoir tiré les ficelles, sont les premiers visés par les foudres du « Sultan ». Un climat qui dépasse les simples frontières turques.

En témoigne l’annonce de la fin de la parution de Zaman France, la version française du quotidien d’opposition turc Zaman, considéré comme proche du mouvement Hizmet, le mouvement de Fethullah Gülen.

 

Dans un communiqué publié ce 29 août par le site d’information, on peut lire :

« La violence du climat politique actuel en Turquie et la tournure inquiétante qu’ont prise les événements ne permettent plus, en effet, à notre rédaction d’accomplir correctement son travail journalistique au vu des risques sécuritaires grandissants qui pèsent actuellement sur nos abonnés et nos lecteurs, ainsi que ceux qui frappent plus spécifiquement les membres de la rédaction de Zaman France (…) Des membres de notre rédaction ont reçu pas moins de deux cents menaces de mort ! »

 « Nous remercions également l’ensemble de nos lecteurs qui ont permis le succès de Zaman France et ont contribué à son aura. Des efforts qui n’auront malheureusement pas été suffisants face au déferlement actuel de haine et de violence qui n’aura pas épargné la Turquie, ni même la France, et dont ce journal aura été l’une des nombreuses victimes. »

Dans un entretien accordé à Libération le 4 août dernier, Emre Demir, fondateur et rédacteur de la version française du quotidien turc affirmait que « le gouvernement d’Ankara soutient la délation même en France. C’est choquant. Mais il y a plus grave : des associations et des établissements éducatifs connus pour leurs liens avec le mouvement gülénistes ont été ciblés de manière très violente. Des personnes en lien avec l’AKP appellent à attaquer et punir les gülénistes ici en France. Ils sont très organisés et partagent même les vidéos de leurs actions sur les réseaux sociaux. »

Les pro-Erdogan se lancent dans une chasse aux sorcières

Mi-juillet, en plein coup d’État, Recep Erdogan appelle ses soutiens à se manifester pour s’opposer au putsch fomenté par une partie de l’état major militaire turc. Un appel auquel vont répondre ses soutiens, en Turquie comme à l’extérieur de ses frontières. Le 16 juillet, à Bruxelles, plusieurs dizaines de partisans se retrouvent devant l’ambassade de Turquie, drapés du drapeau national. Le même jour, à Strasbourg, ils sont une centaine à manifester devant le Conseil de l’Europe pour soutenir le président conservateur. Dans plusieurs villes d’Allemagne, où la communauté turque est très importante, ils sont plusieurs milliers à descendre dans la rue, chantant leur soutien au Parti de la justice et du développement (AKP) dont est issu Erdogan.

Depuis, la pression n’est toujours pas redescendue. Bien au contraire. Le climat de répression en Turquie, s’exporte aussi en Europe, par le biais des expatriés pro-AKP.

Dans le Rhône, le Progrès rapporte l’attaque de l’Hôtel Turquoise, à Saint-Pierre-de-Chandieu, « mis à sac par une bande d’individus, qui ont fait irruption à deux reprises dans l’établissement durant le week-end », écrit le journal. Dans la nuit du 15 au 16 juillet, une quarantaine d’individus s’attaquent à l’établissement une première fois, dégradant des voitures stationnées devant et brisant des vitres. Le lendemain, dans la soirée, rebelote. Une équipe d’une vingtaine de personnes part à l’assaut de l’hôtel, stoppée dans leur élan par une patrouille de gendarmerie qui passait par là. Dans le viseur des assaillants, le gérant, un entrepreneur franco-turc. 

A Sens, dans le département de l’Yonne, le centre culturel Rumi, géré par une association güleniste de soutien scolaire est incendié au lendemain du coup d’Etat. « C’étaient des jeunes que j’avais considéré comme mes enfants pendant un moment. La communauté turque de Sens était solidaire… Comment peut-on en arriver à une telle haine ? Je n’ai pas peur, mais je suis inquiet », témoigne le président de l’association sur France Inter.  

6 000 informateurs en Allemagne pour les services secrets turcs ?

A Strasbourg, où le mouvement Hizmet est implanté depuis plus de vingt ans, les sympathisants de Gülen ont la vie dure comme le confie l’un d’entre eux, à une journaliste de Rue 89 :

« Dans la communauté turque, chacun a son étiquette. Les gens sont classés avec le Mili Görüs (mosquée Eyyub Sultan), avec le Ditib (mosquée et faculté islamique de Hautepierre), avec les kémalistes, avec les gülénistes… Donc les gens proches du mouvement, ça se savait. Jusque-là, on avait des confrontations idéologiques, mais on n’avait pas peur. A partir de la tentative de coup d’Etat, on a commencé à craindre pour notre sécurité.« 

Une pression qui a poussé une école hors contrat à changer de nom à la suite d’une campagne de dénonciation de militants pro-AKP. 

En Suisse, en Belgique et en Allemagne également, la presse rapporte de nombreux cas de menaces à l’encontre de Gülenistes.

Outre-Rhin, justement, la situation est encore plus inquiétante. Selon une enquête publiée le 21 août par le quotidien Die Welt, les services secrets turcs, le MIT, s’appuyeraient sur un réseau de 6 000 informateurs sur le territoire allemand. Un réseau qui bénéficierait de la tolérance bienveillante des trois branches de renseignements allemands. Pis, invoquant des traités de coopération en matière terroriste, la Turquie pousserait le gouvernement d’Angela Merkel à s’impliquer plus encore dans la chasse aux sorcières gülenistes… Ce qui a poussé les Verts Allemands à demander au Bundestag de se pencher sur la question.

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