Au Brésil, la dernière bataille de Dilma Rousseff

Sauf coup de théâtre, la présidente brésilienne Dilma Rousseff, accusée d’avoir maquillé les comptes publics en vue de sa réélection en 2014, devrait définitivement être écartée du pouvoir par le Sénat dans les prochaines heures. En toile de fond : la crise économique et la tentaculaire affaire de corruption Petrobras. Auditionnée une dernière fois ce lundi 29 août, l’ex-guerrilheira a de nouveau clamé son innocence…

Quatorze heures de session extraordinaire pour une cinquantaine de minutes de discours. Devant le Sénat brésilien, ce lundi 29 août, la présidente Dilma Rousseff, icône de la gauche sud-américaine, écartée du pouvoir depuis le printemps dernier après avoir été formellement accusée du maquillage des comptes publics en vue de sa réélection de 2014, a livré sa dernière bataille. Car tout semble déjà joué dans cette ultime étape de la procédure de destitution dont fait l’objet l’ancienne guerrilheira. Une destitution qui a souvent pris des allures de farce, et qu’elle ne cesse de dénoncer, accusant à son tour les parlementaires de fomenter « un coup d’Etat. » 

« Coup d’Etat », l’expression sera d’ailleurs prononcée à neuf reprises par Dilma Rousseff pendant son discours, rapporte le quotidien brésilien O Globo. La présidente, qui a une nouvelle fois clamé son « innocence », a cependant peu de chances de convaincre le tiers des 81 Sénateurs qui voteront dans les prochaines heures pour ou contre sa destitution définitive. Selon les prévisions, reprises en détail dans la presse brésilienne, l’héritière de Lula recueille d’ores et déjà 59 voix contre elle, soit cinq suffrages de plus que le quota nécessaire à l’opposition pour la renverser. 

Ainsi Dilma Rousseff est-elle longuement revenue sans grand espoir sur « sa mise à mort politique » mais aussi, et à travers elle, « la mort de la démocratie.«  Rappelant son passé dans la résistance – contre la dictature de 1964-1985 -, évoquant l’histoire du pays et son parcours personnel, notamment sa lutte contre le cancer en 2009, elle a affirmé avoir « la conscience tranquille. » « Les accusations qui me sont faites sont injustes et infondées », a-t-elle déclaré.

Après l’exaltation, voire l’hystérie des précédentes étapes de sa destitution, le ton au Sénat ce lundi s’est fait plus cordial, solennel. Dilma Rousseff a été reçue par les sénateurs dans un silence à peine rompu à l’issue de sa prise de parole par quelques applaudissements, ceux de ses soutiens dans l’assistance : l’ancien président et mentor Lula Da Silva mais aussi le chanteur et compositeur Chico Buarque, grande figure de la chanson populaire brésilienne. 

Petrobras et la vengeance d’Eduardo Cunha en toile de fond

Sur le fond, outre le maquillage des comptes publics, la situation économique du pays, en récession, et la gestion de Dilma ont été résumées par Aécio Neves, son adversaire du PSDB de centre-droit lors de la dernière élection présidentielle, par un chiffre : les douze millions de chômeurs que compte désormais le Brésil. « Dans quelle mesure votre excellence et votre gouvernement se sentent sincèrement responsables ? », a-t-il demandé bien que son nom apparaisse aussi dans l’affaire tentaculaire Petrobras (plusieurs milliards de reaux détournés des caisses de l’Etat à travers la compagnie pétrolière publique) qui se cache derrière la crise politique que connaît le pays.

Sans doute « le coup d’Etat » évoqué par Dilma Rousseff n’est-il pas étranger à cette affaire de corruption sans précédent dans le pays, qui a déjà conduit à la prison des dizaines de hauts responsables politiques et du monde des affaires parmi les plus influents depuis l’ouverture de l’enquête et de l’opération policière en 2014. En témoignent les accusations à peine voilées faites devant le Sénat par Dilma Rousseff à l’encontre de l’ex-président de la Chambre des députés, le centriste Eduardo Cunha, du PMDB, accusé lui aussi d’avoir perçu d’importants pots-de-vin dans l’affaire Petrobras et qui aurait manoeuvré en coulisses pour instaurer la procédure de destitution de la présidente afin d’exercer un chantage sur cette dernière et tenter d’échapper ainsi aux poursuites judiciaires (son sort doit être scellé en septembre par la Chambre des députés.) 

« Je n’ai aucun doute sur le fait que cette procédure de destitution soit l’oeuvre d’une vengeance sordide d’Eduardo Cunha », a ainsi déploré la sénatrice et ancienne ministre de l’agriculture de Dilma Rousseff, Katia Abreu. Difficile toutefois de développer l’accusation, Dilma RousseffLula da Silva et le Parti des Travailleurs (PT) – dont ils sont tous les deux issus – étant accusés d’avoir indirectement reçu des fonds du pétrolier : Dilma pour financer sa campagne, Lula à travers ses investissements immobiliers. Fatigués par cet interminable feuilleton, les Brésiliens, qui ont longtemps manifesté dans un camp ou dans l’autre, ne sont cette fois pas sortis dans les rues…

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