Pendant que Valls se coltine les meetings sous tension, Hollande charme les élus

Après la suppression de l’université d’été de la Rochelle, le meeting de Colomiers, protégé par un dispositif policier impressionnant, inaugurait ce 29 août pour le PS une campagne bunkérisée… Pourtant, François Hollande semble bien décidé à y aller. Comme le prouve sa visite surprise à la réception de la FNESR, l’association des élus socialistes, mercredi dernier. Une véritable opération séduction. De son côté, Manuel Valls laisse entendre aux socialistes qu’il pourrait prendre « ses responsabilités ».

Chaude ambiance à Colomiers ce 29 août, bourgade habituellement paisible de la banlieue toulousaine : quartier bouclé par des centaines de mètres de barrières, plusieurs compagnies de CRS et de gendarmes mobiles mobilisées, une cinquantaine de camionnettes, pour certaines équipées de grilles anti-émeutes. Mais ce n’est pas tout : double contrôle à l’entrée, palpation des journalistes… Tout cela pour environ deux cent manifestants rassemblés devant la mairie de la ville pour protester contre la venue du Premier ministre. La plupart militants de la CGT, de la FSU, ou de SUD, et « armés » des seules pancartes pourtant signifiantes : « PS Trahison », « PS Voleur, Menteur, Fossoyeur du bonheur ». Bref, un meeting bunkérisé, en état d’urgence.

Campagne présidentielle sous cloche

Des images qui rappellent celles d’un Nicolas Sarkozy qui, à la fin de son mandat présidentiel, ne pouvait plus se déplacer en France sans être escorté de très nombreux policiers. En attendant l’arrivée de Manuel Valls au hall Comminges, Jean-Christophe Cambadélis et Stéphane Le Foll répondent ainsi aux questions des journalistes sur un parking… vide. À l’intérieur, musique à fond, militants qui font la claque, tout est fait pour assurer le show. Et un slogan : « L’essentiel, c’est la République ». À Colomiers, Valls inaugure donc une campagne présidentielle sous cloche. Pas forcément une bonne nouvelle pour François Hollande qui va devoir relever le défi de retisser très vite le lien avec les Français s’il compte se représenter.

« Pourquoi des gens de gauche veulent nous empêcher de tenir des réunions politiques ? Cela pose un vrai problème démocratique. Voilà le sujet, ce n’est pas le nombre de cars de CRS », préfère attaquer un responsable du PS. « Il y a toujours eu des chafouins, des grincheux, des gens qui ne sont jamais contents », évacue le ministre Le Foll lors de son discours. Peu avant, Najat Vallaud-Belkacem raille « une gauche qui se bat contre elle-même dans une stratégie égoïste », et s’inquiète d’un « moment d’autodestruction qui amènera la droite en 2017, et possible, la victoire de l’extrême droite ». Ajoutant tout de même : « Je refuse la chronique d’une défaite annoncée ».

« Je refuse la chronique d’une défaite annoncée »

Après de trop nombreux discours, Manuel Valls prend enfin place sur scène, quelques minutes avant 20 heures, un timing stratégique au moment des grosses locomotives médiatiques que sont les JT. « Nous parlons beaucoup, les discours sont courts, j’ai ma chemise blanche (…), c’est donc la rentrée des socialistes combatifs », ironise-t-il en introduction. Et le Premier ministre de commencer un discours offensif contre « la guerre contre l’islamisme radical », rappelant que c’est à Toulouse et à Montauban que la vague terroriste a commencé : « Jamais dans notre action, nous devons oublier les victimes du terrorisme, car elles sont dans nos esprits et dans nos coeurs ». Mais le Premier ministre défend surtout le bilan du quinquennat, tout en reconnaissant certains de ses faiblesses. Comme sur l’Europe :

« Il faut tout refonder (…) Pour préserver l’essentiel, il nous faut tout changer. Et la France, pays fondateur, doit être à l’initiative dans les prochaines semaines avec le Président de la République (…) sur la relance économique, sur l’assouplissement des règles du Pacte de stabilité, pour lutter contre le dumping social et la fuite fiscal, sur le dossier des travailleurs détachés. Bref, pour redonner de l’espoir ».  

Mais Valls lance également l’offensive contre l’extrême droite qui « prépare son “hold-up” dans les urnes ». « C’est notre ennemi », rappelle-t-il. Et de tancer aussi la droite républicaine qui « ne sait plus trop où elle va », et Nicolas Sarkozy qui « prend une responsabilité terrible en donnant corps (…) à ce programme commun entre la droite dure et l’extrême droite. » Mais il n’oublie pas non plus les critiques à gauche, « cette surenchère des diviseurs qui n’ont qu’un seul objectif dans ce moment grave (…) : punir la gauche de gouvernement ». Il dénonce alors ces « attaques outrancières… parfois intolérables, à l’égard même du chef de l’Etat ! »

Visite surprise d’Hollande aux élus…

Justement, si Jean-Christophe Cambadélis a tenu à rappeler ce matin, dans la Dépêche du Midi, que « l’objectif de cette réunion n’est pas d’apporter un soutien à la candidature de François Hollande qui n’est pas candidat », ce dernier est pourtant d’ors-et-déjà bien en campagne. Mercredi soir, le président de la République s’est ainsi rendu à la grande réception de la FNSER (Fédération Nationale des Élus Socialistes et Républicains) qui se tenait au ministère de l’Agriculture (« Aux frais de la FNSER », précise un conseiller). Une visite surprise. Toute en séduction.

« Grosse offensive de charme avec son humour légendaire »

« Hollande était très détendu, très pédagogue, et très combatif. Vous sentiez un homme en campagne », nous confie un participant. Hollande est resté longtemps pour discuter avec le maximum de participants, donnant un mot à chacun, se prêtant très volontiers au jeu des selfies, et même à une photo de groupe avec tous les élus locaux présents. Le Président n’est pas venu seul : il était accompagné de la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, et de la secrétaire d’Etat chargée des collectivités territoriales, Estelle Grelier. « Grosse offensive de charme avec son humour légendaire », remarque un élu. Au point que même des élus proches d’Arnaud Montebourg ou de Benoît Hamon, l’ont trouvé « toujours aussi simple, sympa, et accessible ».

Au milieu des siens, Hollande sait donc jouer encore des grosses ficelles : lui, le gentil, Valls, le méchant. Et ça marche. Un élu commente d’ailleurs devant le plus haut personnage de l’Etat : « Valls est à Hollande ce que Sarkozy était à Chirac : trop hargneux, trop virulent, trop pressé. Les Français ont besoin d’un Président qui les rassure et les protège. Chirac était parfait dans cet exercice. Hollande peut l’être si Sarkozy gagne la primaire de droite car il va hystériser le débat et fatiguer les gens ». Et de se réjouir ensuite de la visite du Président en utilisant des mots qui ont dû faire plaisir au principal intéressé : « Ça nous change et ça fait du bien par rapport aux coups de menton de l’autre hystérique de Valls ».

« Ma loyauté ne m’entrave pas »

Toute la question est de savoir si ce jeu de rôle va encore durer longtemps alors que la campagne s’annonce très rude pour les socialistes… Après Colomiers, jusqu’à quand Valls va accepter de jouer le mauvais rôle ? Comme il l’a rappelé ce soir devant les socialistes : « Je suis le Premier ministre, mais je suis libre de participer à vos débats ». Concluant en fin de discours : « On ne s’improvise pas candidat à l’élection présidentielle (…) J’ai mon éthique de comportement. Il faut de la responsabilité, de la loyauté – elle ne m’entrave pas. La déloyauté, elle, nous blesse tous. Il faut donc de l’exigence ! » Valls a prévenu : sa « loyauté » ne l’entrave pas. Y compris donc à l’égard du Président de la République : « La gauche peut l’emporter, mais elle doit, elle a le devoir impérieux, de l’emporter ! A condition de fondre son destin avec celui de la France ». Des paroles d’un présidentiable.

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