Présidentielle 2017 : le rendez-vous manqué ?

Résumons cette présidentielle telle qu’elle se profile à l’automne 2016, il y a deux candidats dont les Français ne veulent plus : François Hollande et Nicolas Sarkozy. Il y en a aussi deux qui se posent en champion hors système, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, et également deux que l’on peut qualifier d’émulsions médiatiques, Alain Juppé et Emmanuel Macron. Enfin, il existe deux candidats qui ont la défaveur du couple infernal Hollande-Sarkozy et qui n’ont pas la faveur des instituts de sondage. Tous deux ont travaillé à un programme. Ils ont une méthode et ils espèrent créer la surprise dans leurs camps respectifs : Arnaud Montebourg et François Fillon.

Maintenant que le secret de Pinocchio de la candidature de Nicolas Sarkozy est connu des Français, le paysage politique pré-présidentiel se dessine peu à peu. A première vue, il apparaît aussi attrayant que les plaines du Jütland dont parlait Kierkegaard, où l’envol d’un troupeau d’oies est un événement. Comme il était aisé de le prévoir – sauf pour la quasi-totalité de nos éditorialistes -, et ce même avant la fessée électorale de 2012 : l’ancien président est revenu. Bien sûr, il a changé pour la 343e fois. Rangés, les crocs de boucher : aujourd’hui, il a à l’esprit la clémence d’Auguste. Le clown, pas l’empereur. Donc il revient car, comme il a été noté ici précédemment, François Hollande a été incapable de mener à bien la seule promesse électorale que ses électeurs lui demandaient de tenir : faire l’économie de ce retour et ne pas avoir à mettre nos pas dans ceux des Italiens qui ont reconduit plusieurs fois Berlusconi ou des Israéliens qui relégitiment régulièrement Netanyahou.

Il revient et, fidèle à son habitude, l’animal politique qu’il est parvient à se poser au centre du débat alors que sa popularité est en berne et que nos concitoyens sont autant disposés à lui redonner les clefs de l’Elysée qu’ à se retourner un ongle sur un tableau noir. Il revient avec son programme fiscal de 2007 et un programme économique où l’Etat a gentiment sa place. Des propositions que l’on imaginerait avoir été écrites jadis par un conseiller de Georges Pompidou. Il revient avec quelques dispositions fracassantes en matière sécuritaire et, pour la majorité d’entre elles, totalement inapplicables, rédigées cette fois par le fantôme de Charles Pasqua. Mais ce dernier point est suffisant pour que le panurgisme médiatique fonctionne à plein rendement, comme au lendemain de son élection, et que l’on se pâme devant le flair politique du résident du cap Nègre consistant à mettre l’identité au cœur de la campagne. Quelle audace ! Quel génie ! Et tant pis si l’identité en question a été traitée auparavant et longuement par Alain Juppé, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, François Fillon, Bruno Le Maire et quelques autres. Passons.

Sa muse était moins Jeanne d’Arc que Nadine Morano

J’imagine que l’on va être accusé de donner dans le Sarko bashing si on relève que l’impétrant n’est pas le plus qualifié pour parler de ce sujet. Durant son quinquennat, il a, en effet, été davantage question d’identitarisme que d’identité, et sa muse était moins Jeanne d’Arc que Nadine Morano. La création du CFCM, son menuet avec le Qatar, sa proposition de remplacer l’instituteur par le curé ou le pasteur, sa visite, début août 2016, au roi d’Arabie saoudite, dont il épouse les «analyses» sur la situation syrienne, pour ne relever que ces joyeux exemples, relèvent surtout d’un profond trouble identitaire. Soyons juste, son successeur n’est pas plus clair lorsque la laïcité se trouve en première ligne, qu’il s’agisse, là aussi, de ses affinités électives pour le tyran de Riyad, de son soutien indéfectible à l’inénarrable Jean-Louis Bianco, qui a transformé son Observatoire de la laïcité en «une officine d’agréable fréquentation pour salafistes», pour citer Jean-François Colosimo, ou la manière dont il a fini par se plier au scandaleux oukase vaticanesque contre l’ambassadeur français Laurent Stefanini. Comme disait ma grand-mère, les deux font la paire.

Résumons cette présidentielle telle qu’elle se profile à l’automne 2016, il y a deux candidats dont les Français ne veulent plus : François Hollande et Nicolas Sarkozy. Lorsque Valéry Giscard d’Estaing tenta un come-back juste avant 1988, il avait publié un livre intelligent et libéral, au sens tocquevillien du terme, Deux Français sur trois, estimant qu’un tel soutien était nécessaire pour mener à bien des réformes. Pour son entrée en campagne, Sarkozy est parvenu à réunir deux Français sur trois mais… contre lui. Quant à Hollande, il n’y a guère que ses potes de chambrée de la promotion Voltaire et les buralistes de Haute-Corrèze – et encore – pour lui être acquis.

Il y a aussi deux candidats qui se posent en champion hors système, qui ne feront pas de la figuration et qui ambitionnent de renverser la table, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, et également deux candidats que l’on peut qualifier d’émulsions médiatiques, Alain Juppé et Emmanuel Macron.

Enfin, il existe deux candidats qui ont la défaveur du couple infernal Hollande-Sarkozy et qui n’ont pas la faveur des instituts de sondage. Tous deux ont travaillé à un programme. Ils ont une méthode et ils espèrent créer la surprise dans leurs camps respectifs : Arnaud Montebourg et François Fillon. Deux tempéraments que tout oppose. Dans l’histoire politique de la Ve République, il est rare que le second tour de l’élection présidentielle propose aux votes des Français deux politiques vraiment antagonistes. Ce fut le cas en 1974, lors du face-à-face entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mittterrand. Si on a le goût de l’uchronie, on peut imaginer ce qu’aurait pu être aussi en 1995 un débat du second tour entre Jacques Delors et Philippe Séguin. Un rendez-vous électoral manqué comme il en a tant existé depuis 1965, depuis que l’on décida d’opposer à de Gaulle, non pas Mendès-France, mais Mitterrand et Lecanuet, comme me le souffle Guy Konopnicki. La stupidité des primaires y contribuant, il serait regrettable que, une nouvelle fois, les électeurs assistent non pas à la confrontation de deux projets mais à l’expression d’une même ambition. Mais, après tout, même en politique, le pire n’est jamais sûr. Les Français méritent vraiment mieux que de revivre le désespérant duel Sarkozy-Hollande.

 


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