A Cannes, une femme verbalisée pour un simple voile, au nom de l'arrêté anti-burkini

A Cannes, une maman de 34 ans, musulmane, a été verbalisée sur la base de l’arrêté dit « anti-burkini », pris le 28 juillet dernier et confirmé par la justice administrative, pour le simple port d’un voile, relate l’Obs ce 23 août. Derrière cela, une perception possiblement très large de cet arrêté.

Premier dérapage des arrêtés anti-burkini ? Après la salve prise par des municipalités contre cette tenue vestimentaire sur leur plage – à Cannes, Villeneuve-Loubet, Sisco, le Touquet ou encore Lecate – l’Obs relate ce 23 août l’histoire de Siam, femme musulmane de 34 ans originaire de Toulouse qui s’est vue verbaliser le 16 août, sur la plage de la Bocca à Cannes, à cause du voile qu’elle portait sur les cheveux. Les agents municipaux se sont appuyés sur l’arrêté anti-burkini entré en vigueur le 28 juillet, arrêté confirmé par la justice administratif depuis. 

Ce mardi 16 août, la jeune mère de famille est venue profiter de cette plage de Cannes avec ses enfants. Assise sur la plage, « la jeune femme porte un legging, une tunique Kiabi, et, comme à son habitude, son voile, c’est-à-dire un hijab qui ne couvre que ses cheveux », écrit l’Obs. Trois policiers municipaux se dirigent alors vers elle. Une journaliste à France 4, Mathilde Cusin, se trouve à quelques mètres de là. « J’ai vu trois policiers en train de regarder la plage. Deux d’entre eux avaient le doigt sur la gâchette de leur bombe lacrymo, sans doute au poivre. Ça m’a interpellée. Puis je les ai vus traverser la plage vers une femme voilée, elle portait un simple hijab sur les cheveux », témoigne-t-elle. Intriguée, elle se rapproche de la scène qui va bientôt tourner à la vindicte populaire. 

« La parole raciste s’est totalement libérée »

Une policière s’adresse alors à Siam et lui demande si elle a connaissance du récent arrêté pris par la mairie. Pas très au fait de la polémique de l’été, elle répond que non : « Elle m’a lu la moitié de l’arrêté, l’air un peu gêné, me disant que les personnes présentes sur la plage devaient porter une ‘tenue correcte' », décrit Siam. Les agents de la ville lui demande alors de mettre son foulard « sous forme de bandeau autour de la tête » pour pouvoir rester sur la plage. Injonction que la trentenaire refuse, tout autant que de quitter les lieux. 

La discussion attire la journaliste de France 4 mais aussi un certain nombre de badauds. La majorité d’entre eux vont alors se déchaîner selon Siam : « 

« La parole raciste s’est totalement libérée. J’étais abasourdie. J’ai entendu des choses que l’on ne m’avait jamais dites en face, comme ‘rentrez chez vous !’ ‘Madame, la loi c’est la loi, on en a marre de ces histoires’, ‘Ici, on est catholiques !' » « Certains ont carrément applaudi les policiers. D’autres ont traversé la route pour se joindre à la mêlée sur la plage. »

Des faits que confirme Mathilde Cusin : « Les gens lui demandaient de partir ou d’enlever son voile, c’était assez violent. J’ai eu l’impression de voir une meute s’acharner sur une femme assise au sol en pleurs avec sa fillette. Ce qui m’a choquée, c’est que c’était surtout des trentenaires, pas des personnes âgées comme on pourrait l’imaginer. »

Malgré les protestations de la jeune femme, elle écope d’une amende de onze euros qu’elle doit régler sur le champ pour pouvoir rester sur place. Après le choc, elle décide de se tourner vers le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et veut porter plainte contre la mairie de Cannes et l’Etat français. 

Bien plus large qu’un arrêté anti-burkini…

Contacté par l’Obs, le maire LR de Cannes, David Lisnard, « soutient les policiers municipaux (…) Ils ont estimé que la tenue de cette femme n’était pas conforme à l’arrêté. Celui-ci ne désigne pas une tenue en particulier mais toutes celles qui sont ostentatoires. »

Dans l’arrêté pris le 28 juillet et valable jusqu’au 31 août, on peut lire :

« L’accès aux plages et de baignade [est interdit] à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime, ainsi que le port de vêtements pendant la baignade ayant une connotation contraires à ces principes », considérant que « dans le contexte particulier justifiant le maintien de l’état d’urgence une tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse, alors que la France et les lieux de culte religieux sont actuellement la cible d’attaques terroristes, est de nature à créer des risques de troubles à l’ordre public (attroupements, échauffourées, etc.) qu’il est nécessaire de prevenir ».

D’abord interprété comme un acte anti-burkini, cet arrêté, par sa délimitation très large de « tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse », a semble-t-il un champ d’action bien plus large. 

Sur les réseaux sociaux, cette histoire a fait réagir. Karine Berger, députée des Hautes-Alpes et potentielle candidate à la primaire du PS s’est insurgée contre cette verbalisation. 

Honteux! Rappel à l’ordre des maires doit être fait par gouvernement! Verbalisée sur une plage pour port d’un voile https://t.co/n7EPhyVram

— Karine Berger (@Karine_Berger) 23 août 2016

Tout autant que Raquel Garrido, avocate et proche de Jean-Luc Mélenchon.

Mais qui nous protège de la police municipale ? #Siam #Cannes #Honte #Tristesse

— Raquel Garrido (@RaquelGarridoPG) 23 août 2016

Dans un entretien accordé le 17 août au journal La Provence, Manuel Valls exprimait un soutien franc aux maires « qui ont pris (c)es arrêtés, s’ils sont motivés par la volonté d’encourager le vivre ensemble, sans arrière-pensée politique ». Et le justifiait en arguant que « le burkini n’est pas une nouvelle gamme de maillots de bain, une mode. C’est la traduction d’un projet politique, de contre-société, fondé notamment sur l’asservissement de la femme. »

Le Premier ministre va-t-il réitérer son soutien ?

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply