Hollande le bavard : un quinquennat à recevoir des journalistes

Les livres grouillant de confidences du chef de l’Etat se multiplient en cette fin de mandat. Mais pourquoi François Hollande se confie-t-il autant aux journalistes ?

Mais combien de temps François Hollande a-t-il donc passé à converser avec des journalistes au cours de son quinquennat ? Le Monde daté de ce mardi 23 août n’en donne qu’une petite idée : deux journalistes d’investigation du quotidien du soir, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, y publient le début d’une enquête sur « les secrets de l’Elysée », préambule à un livre intitulé Un président ne devrait pas dire ça…, à paraître le 12 octobre chez Stock. Pour cet ouvrage, ils précisent avoir « réalisé soixante entretiens » avec le chef de l’Etat entre avril 2012 et juillet 2016, soit plus d’un par mois pour un total de « plus d’une centaine d’heures de conversation ». Et ils sont loin d’être les seuls à avoir recueilli les petits secrets du président en exercice. Depuis plusieurs mois, les livres remplis de confidences hollandaises plus ou moins croustillantes pleuvent à un rythme régulier. Jusqu’ici tout va mal de Cécile Amar (Grasset), Le stage est fini de Françoise Fressoz (Albin Michel), L’Elysée selon Hollande d’Hervé Asquin (L’Archipel), Le pari de Bastien Bonnefous et Charlotte Chaffanjon (Plon)… On en passe.

Sachant que François Hollande a parlé en particulier à chacun des auteurs de ces livres, le temps passé à expliquer et commenter son quinquennat devant des journalistes donne le vertige. Et ce n’est pas fini : le 25 août, c’est au tour de la journaliste des Echos Elsa Freyssenet de publier Ça n’a aucun sens (Plon), un ouvrage qui contient lui aussi son lot de citations présidentielles. Enfin d’autres plumes, comme Franz-Olivier Giesbert (Le Point) ou Marie-Eve Malouines (LCP), affûtent eux aussi leur livre consacré au président.

« Hollande dit très rarement non à un journaliste »

Opération portes ouvertes

« Hollande dit très rarement non à un journaliste », explique Antonin André, chef du service politique d’Europe 1, qui a publié le 17 août avec son confrère Karim Rissouli Conversations privées avec le Président (Albin Michel), un recueil de confidences distillées par le chef de l’Etat tout au long de son quinquennat. Grand amateur de la lecture des journaux, celui qui allait accéder à l’Elysée a toujours beaucoup fréquenté les journalistes, les alimentant en anecdotes savoureuses. « Il envoyait énormément quand il était premier secrétaire du PS. A l’Elysée, il a continué », se souvient Antonin André, qui voit aussi une autre raison à la loquacité présidentielle : « Il y a sans doute chez Hollande une culture de la transparence sincère et réelle. Il a en horreur le secret en politique, qui peut conduire au fantasme de la manipulation. » Depuis son élection, le chef de l’Etat n’a d’ailleurs pas hésité à ouvrir largement les portes de l’Elysée aux médias : la caméra du réalisateur Patrick Rotman, puis celle d’Yves Jeuland ont pu saisir sans filtre certaines scènes parfois embarrassantes, tandis que le dessinateur Mathieu Sapin a eu accès à l’Elysée pendant près d’un an pour en raconter les coulisses dans une BD, Le Château (Dargaud).

François Hollande a aussi pris soin de ne pas changer de numéro de portable en 2012, ce qui a permis aux journalistes qui le suivaient avant son élection de conserver un contact direct avec lui, contournant les conseillers en communication successifs. Aux premières loges, son ex-compagne Valérie Trierweiler lui reprochait d’ailleurs ce petit manège dans son livre-déballage Merci pour ce moment : « Les journalistes politiques ont essayé de comptabiliser le nombre d’entre eux qui reçoivent des SMS du Président. Ils ont dépassé le chiffre ahurissant de 70… Le moindre confrère qui enquête sur un ministre ou une affaire mineure a droit à son rendez-vous avec le Président. » François Hollande échange aussi en « off » avec les journalistes en marge de ses déplacements et participe régulièrement à des déjeuners avec les services politiques des grands médias.

« Il fait ça tard le soir ou le week-end »

Mais en se livrant autant en comité restreint, François Hollande prend un risque : celui d’être vu comme un « spectateur désengagé », comme l’écrit le psychanalyste Michel Schneider dans Le Point. Et d’accréditer le sentiment d’un président occupé à converser avec des journalistes plutôt qu’à des tâches plus urgentes. Mais à l’Elysée, on assume : « Il est très important de remettre son action en perspective. On se plaignait qu’il n’y ait pas de récit du quinquennat. Là, il agit et il explique. » Quant au fait que ces nombreux entretiens puissent empiéter sur l’agenda présidentiel, la critique est balayée aussi sec : « Il fait ça tard le soir ou le week-end. » Reste que, jusqu’au sein des troupes hollandaises, certains doutent de l’efficacité de cette stratégie. « Sur ce sujet, je suis toujours en vacances ! » élude un proche du chef de l’Etat lorsqu’on l’interroge. L’opération portes ouvertes du bavard président est loin de faire l’unanimité.

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