"J’ai vu le sang couler, on aurait dit un fleuve": Amnesty lève le voile sur l'enfer des prisons de Bachar al-Assad

Amnesty International vient de publier un rapport qui s’appuie sur plus d’une soixantaine de témoignages mettant au jour l’enfer des prisons de Bachar al-Assad, où la torture est la règle.

La cruelle violence, voire le sadisme pratiqué et mis en scène par l’auto-proclamé Etat islamique ne peut pas, ne doit pas faire oublier qu’en face, ceux qui le combattent sont capables eux aussi du pire. C’est bien là toute la difficultée du conflit qui se déroule en Syrie, en Irak et en Libye. Mises à part les troupes des Forces Démocratiques de Syrie, dominées par les combattants kurdes des YPG, les protagonistes sur le terrain de cette guerre totale contre l’EI, sont loin, très loin, d’être au-dessus de toutes critiques : des islamistes dit « modérés » de l’ex-Front al-Nosra – devenu Front Fatah al-Sham pour espérer s’attirer les faveurs de l’Occident – à ces groupes qui gravitent autour, comme ceux de Jaysh al-Islam, en passant par les forces de Bachar al-Assad, le président syrien soutenu ouvertement par la Russie et l’Iran.

Amnesty International nous le rappelle. Dans un rapport publié ce jeudi 18 août, l’ONG révèle les dessous des prisons syriennes. Sur la base des témoignages de 65 anciens détenus passés par les geôles d’Assad. Terribles récits. « Ils nous traitaient comme des animaux. Ils voulaient nous faire perdre tout caractère humain (…). J’ai vu le sang couler, on aurait dit un fleuve (…). Je n’aurais jamais imaginé que l’humanité pouvait descendre aussi bas (…). Nous tuer ne leur aurait posé aucun problème », confie Samer, un avocat arrêté près de Hama.

« Rituel de bienvenue »

On découvre ainsi que tout nouveau détenu doit passer « le rituel de bienvenue ». Concrètement, un passage à tabac en règle à la barre de fer et au cable électrique. Certains décèdent avant même d’atteindre leur cellule. Les interrogatoires menés par les services de renseignements du régime laissent aussi des traces. Méthode dites du « pneu » (l’interrogé est suspendu à un pneu et frappé à coups de bâton ou de câble) ou de la falaqa (coups assenés sur la plante des pieds), décharges électriques, viol et autres sévices sexuels, arrachage d’ongles des pieds ou des mains, et brûlures avec de l’eau bouillante ou des cigarettes. L’inventivité des « bourreaux enquêteurs » est sans limite pour extorquer des aveux. Les rédacteurs du rapport affirment ainsi :

« Ces actes de torture s’inscrivent dans le cadre d’attaques généralisées et systématiques contre tous les membres de la population civile soupçonnés d’être contre le régime et constituent dès lors des crimes contre l’humanité. »

Dans ces prisons, la vie d’un détenu ne vaut pas grand-chose. Ainsi l’un d’entre eux, emprisonné à Damas, raconte qu’un jour, la ventilation tombe en rade. Sept personnes meurent alors étouffées.

« Ils ont commencé à nous donner des coups de pied pour voir qui était vivant et qui ne l’était pas. Ils nous ont ordonné, à moi et à l’autre personne vivante, de nous lever […] C’est alors que j’ai compris que sept personnes étaient mortes, que j’avais dormi aux côtés de sept cadavres […] [Par la suite,] j’ai vu d’autres corps, environ 25, dans le couloir. »

17.723 décès en détention en Syrie depuis le début du conflit

Selon les statistiques de la Human Rights Data Analysis Group (HRDAG), 17.723 personnes sont mortes en détention en Syrie depuis le début du conflit, soit en moyenne plus de 300 décès par mois. Et encore, Amnesty International considère que ce sont là des estimations à la baisse. 

Mais c’est dans la prison militaire de Saidnaya, dans le nord de la Syrie, que la survie y est la plus dure. « Dans [les locaux des services du renseignement], la torture et les coups visaient à nous faire “avouer”. À Saidnaya, on avait l’impression que le but recherché était la mort, comme une sorte de sélection naturelle où l’on se débarrassait des plus faibles dès leur arrivée », décrit un ex-prisonnier. Un autre raconte qu’un gardien a obligé deux hommes à se déshabiller et a menacé de mort l’un s’il ne violait pas l’autre. 

Si en Syrie Daech est, c’est une évidence, l’ennemi à combattre, la liste des alliés irréprochables pour y parvenir elle, l’est beaucoup moins…

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