Mourad Hamyd, beau-frère de Chérif Kouachi : qui veut faire l'ange fait la bête

Suspecté d’avoir participé aux attentats de janvier 2015 avec son beau-frère, Chérif Kouachi, Mourad Hamyd, un jeune étudiant de 18 ans de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, clamait son innocence. Pour être finalement retrouvé cette semaine en Bulgarie, sur la route du djihad… Un exemple de loupé qui est loin d’être de nature à apaiser les craintes de nos concitoyens.

Relire la presse de l’époque et se dire qu’au vu des articles enflammés et enamourés pour la «victime», nous ne sommes pas passés très loin d’une nouvelle affaire Dreyfus. Reprendre ce que l’on nous a présenté avantageusement comme le destin dramatique de Mourad Hamyd. Se souvenir que, après la tuerie de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015, ce jeune garçon de 18 ans était désigné par les réseaux sociaux comme le troisième homme du commando composé des sinistres crapules qu’étaient ses beau-frères, Chérif et Saïd Kouachi. Suspect d’avoir joué le rôle de chauffeur des deux assaillants, Hamyd avait clamé son innocence («Cet attentat, je le dénonce»). Il était libéré après quarante-huit heures de garde à vue puisque, ce mercredi-là, il se trouvait non pas à Paris mais dans l’enceinte de son école, à Charleville-Mézières.

Via Facebook et Twitter, ses camarades de lycée s’étaient mobilisés avec une affichette, lettres blanches sur fond noir, réplique fidèle de celle de « Je suis Charlie » avec, cette fois, écrit dessus « Mourad innocent ». « Il pratique un islam éclairé », assuraient ses parents à l’époque. D’ailleurs, le dimanche 11 janvier après-midi, alors que la France se mobilisait dans un grand élan de solidarité (de pétainisme dira plus tard l’inénarrable Emmanuel Todd), une partie de sa famille avait décidé de participer sur la place Ducale de Charleville-Mézières à un rassemblement de soutien aux victimes des terroristes.

Mourad Hamyd, qui veut faire l’ange fait la bête « Je veux que mon nom soit lavé », clama et réclama sur tous les tons le jeune Mourad aux médias venus tendre obligeamment leurs micros pour recueillir le témoignage de celui que l’on présenta comme « une victime innocente de la tuerie » (on ignore au passage qu’il en existait de non innocente). Je ne résiste pas à citer cette prose sulpicienne parce qu’elle illustre parfaitement l’état d’esprit qui présidait alors : « Lui qui se rêve médecin, se fait discret et est plus timide que grande gueule, toute cette histoire est bouleversante. » « J’étais sidéré, complètement dépassé par les événements, mais les policiers ont été très corrects avec moi, confie-t-il au Nouvel Obs. […] On a mêlé mon nom à ces crimes barbares, mais je ne suis qu’un lycéen qui vit tranquillement avec ses parents. » Cette volonté de trouver une « victime innocente » du 7 janvier était tout bonnement le souci de pouvoir brandir immédiatement les risques encourus par l’amalgame. Qui veut faire l’ange fait la bête.

Patatras ! On apprend, cette semaine, que ce lycéen tranquille vient d’être arrêté. Il croupit dans les geôles bulgares. Ce garçon, qui nous livre une nouvelle version de l’expression proverbiale « Aux innocents les mains pleines », a été stoppé à la frontière turque après avoir voulu gagner la Syrie par le train. « Il avait le comportement typique d’un combattant étranger, et c’est comme ça qu’il a été repéré », a expliqué la ministre bulgare de l’Intérieur, Rumiana Bachvarova. Une manière assez franche et directe de dire que la police de son pays se rapporte plus au bon sens et moins aux rapports de police pas toujours examinés de près.

Car le plus gros dans cette affaire arrive plus tard. On apprend ainsi que Mourad Hamyd est un récidiviste et qu’il a tenté un départ pour la Syrie en août 2014. Ce qui lui vaut d’entrer dans le fameux et fumeux fichier S. Donc, en janvier 2015, après l’attentat, les enquêteurs disposent déjà d’indications sur la radicalisation de Mourad Hamyd. Mais rien ne permet de l’inquiéter. Pis : les policiers doivent l’entendre sans broncher servir sa soupe quand il leur jure ne consulter que des « sites modérés » sur l’islam. Pourtant, comme le rappelle opportunément le Monde*, un rapport de la DGSI versé à l’enquête dès le 8 janvier, soit juste au lendemain de la tuerie, mentionne déjà qu’il est également identifié, depuis novembre 2014, comme un des responsables d’une page sur Facebook qui sert de « lien de communication et de soutien financier » à plusieurs membres condamnés et emprisonnés appartenant à un groupuscule islamiste radical. Le problème est que l’affaire Mourad Hamyd n’est pas de nature à apaiser les craintes

Ce même rapport indique que Hamyd est également titulaire d’un compte sur le site islamiste suisse Ansar-Ghuraba et qu’il est en contact avec des combattants partis pour la Syrie. Ajoutons, pour que le tableau soit complet, que, non content de louer l’Etat islamique, le lycéen innocent publie des photos d’égorgement. Avec deux fois moins d’infos, un policier bulgare se serait dit : « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » 

« Tout le système commence à fonctionner. » C’est ce que prétend, mercredi 10 août, la sénatrice Nathalie Goulet, présidente de la commission d’enquête sur les filières djihadistes. Assurément, voilà une déclaration qui devrait nous rassurer. Le problème est que, précisément, nos concitoyens ne le sont pas et que l’affaire Mourad Hamyd n’est pas de nature à apaiser les craintes. D’après un sondage Elabe, 65 % Français estiment que François Hollande ne met pas en œuvre « tous les moyens nécessaires à la lutte contre la menace terroriste ». Un chiffre en hausse de 19 points par rapport au précédent sondage réalisé les 4 et 5 janvier 2016, après les attentats du 13 novembre 2015, souligne l’institut, qui note que les résultats « marquent un tournant dans l’opinion publique ». Pour sortir vainqueur de la guerre que nous traversons, il ne faut pas des mesures, il faut une politique. Mais nous savons, depuis déjà quelque temps, que François Hollande, comme bon nombre de ses pairs, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, ne fait pas de politique, il en vit.

 

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