Scénographie, photos, vidéos, et même un bar-fumoir : l’écrivain s’expose tout l’été au Palais de Tokyo dans une installation qui oscille entre authenticité et provocation.
« Nous habitons l’absence » : c’est une légende, placée en plein milieu d’une image en noir et blanc montrant un terrain presque postapocalyptique. Cette photo conclut le parcours d’une exposition de 1.500 m2 et résume toute l’œuvre de Houellebecq. « Rester vivant », le titre de cette exposition, était d’ailleurs le titre d’un de ses recueils de poésies, paru il y a quasiment vingt ans (1997). Entre-temps, l’écrivain a écrit et a soigneusement sculpté l’image controversée qu’on a de lui, tout en s’évertuant à étendre ses domaines d’intervention : chanteur, réalisateur, acteur, performer, photographe, star. Il s’expose dans une « installation » de 18 salles à son image : ça ressasse parfois, ça surprend aussi.
Des poèmes interpétrés par Iggy PopSi le corpus majeur de l’exposition est constitué des photographies (argentiques comme numériques, couleur comme noir et blanc), on tombera aussi sur des crucifix de pinceaux, sur un bar – où l’on pourra fumer et boire de la bière – avec un juke-box qui diffusera tous les poèmes de Houellebecq interprétés par Iggy Pop ou Jean-Louis Aubert, sur une pièce tombeau avec crâne reliquaire, et sur des univers inattendus. « Une salle par obsession », résume le président du Palais de Tokyo, Jean de Loisy.
On savait Houellebecq obsédé par l’art et par la photographie, qu’il utilise quand il veut montrer que, pour lui, un désert est mieux qu’un endroit avec des hommes. En cette période de Brexit, cette photo intitulée France 014, prise dans les années 90 à Calais et représentant un frontispice « Europe » déjà abîmé, sublimé par un grisâtre travaillé, est du pur effet Houellebecq : suffisamment brut pour être une vision claire.
Idem pour ce Leader Price comme jeté là, en plein milieu d’un village qui, sans lui, eût été bucolique : cette manière de montrer que le hard discount restera ici plus longtemps que le village lui-même. Certaines images sont anciennes, d’autres travaillées en vue de cette installation. La meilleure surprise, dans « Rester vivant », c’est qu’on s’amuse. A la Houellebecq : par la description clinique, par la distance, par le cynisme. Témoin, cette pièce consacrée au tourisme, autre obsession : vous marchez sur des sets de table ramassés dans des restoroutes (ou achetés par le Palais de Tokyo), vous courbez le dos avant d’être plié de rire.
Une salle consacrée à son chien ClémentL’autre surprise, ce sont les univers proposés par les artistes que Houellebecq a invités : le peintre Robert Combas, le styliste Maurice Renoma, Iggy Pop et… l’ex-femme de l’auteur. Cette dernière donne ses propres aquarelles représentant feu le chien Clément. Elle et Houellebecq, divorcés, montrent ici les 31 jouets du chien, qu’ils s’étaient partagés au divorce. Désuet et absolu, comme cette autre pièce, celle de Renoma, moquettées et meublée par le styliste. Autre invité, l’artiste Renaud Marchand, qui expose tout bonnement la composition chimique de l’humain : sur une table trônent fioles, bonbonnes et récipients de laboratoire en verre, contenant la trentaine d’ingrédients (eau, azote, graphite, sodium…) nécessaires.
Robert Combas, lui, ami de l’auteur depuis dix ans, et qui met souvent des vers de son ami dans ses propres tableaux. Mais le romancier l’a surtout convaincu de transporter ici son atelier, encombré de papiers, de disques, journaux, revues porno et restes de peinture. Combas passe ainsi tous ses après-midi ici, dans une boîte mystérieuse, transparente, qui devient, selon Jean de Loisy, « la batterie énergétique de la poésie et de la création ».
Cette installation-exposition est une machinerie artistique à chœur ouvert. Comme toujours chez Houellebecq, difficile (ou vain) d’y discerner l’authenticité de la provocation. En somme, la vraie surprise de cet événement plus sciant que prévu, c’est que Houellebecq sait montrer qu’il est vivant.
« Rester vivant », Palais de Tokyo, Paris XVIe. Jusqu’au 11 septembre. www.palaisdetokyo.com
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