Nous sommes entrés dans le tunnel du projet de loi de Finances 2017, qui devrait voir figurer la mise en place du prélèvement à la source (PAS) à partir du 1er janvier 2018. Mais en vérité, il ne s’agit pas d’une réforme fiscale…
Avec le discours d’orientation des finances publiques du secrétaire d’Etat au Budget devant l’assemblée le 7 juillet 2016, nous sommes entrés dans le tunnel du projet de loi de Finances 2017. Celui-ci devrait voir figurer la mise en place du prélèvement à la source (PAS), qui entrerait en vigueur à partir du 1er janvier 2018.
Beaucoup de choses ont été écrites sur ce sujet, pas toujours pertinentes et souvent avec pour objectif soit de promouvoir, soit de dénigrer ce dispositif de recouvrement de l’impôt sur les revenus. Parce qu’en vérité, il ne s’agit que de cela et pas d’une réforme fiscale, contrairement à ce que certains ont affirmé.
Puisque ce nouveau mode de perception de l’Impôt sur le revenu (IR) est qualifié de « réforme », il devrait donc, par définition, apporter des améliorations, pour le contribuable, pour le budget de l’État et pour le service public.. La réalité est autre… Le taux de recouvrement spontané de l’IR dépasse les 98% et près de 80% de celles et ceux qui l’acquittent le font soit mensuellement, soit à l’échéance, soit par tiers, et le plus souvent à partir de moyens dématérialisés de paiement.
Un risque sur la collecte de l’impôt
Le fait que le recouvrement incombe dans ce nouveau système à un tiers, introduit un risque : celui que ce tiers (l’employeur) ne reverse pas (volontairement ou pas d’ailleurs) immédiatement voire pas du tout les montants collectés (c’est le cas, de longue date, pour la TVA…). Dans ce cas nous pourrions assister à une chute significative du taux de recouvrement spontané. Et les travaux liés aux poursuites engagées pour recouvrer l’impôt dû auprès des collecteurs pourraient s’avérer coûteux.
Si le dispositif du « PAS » n’améliore pas mécaniquement le taux de recouvrement spontané, quelles sont donc ses vertus ? La contemporanéité, prétend le gouvernement. Que nenni ! Voyons cela de près… A partir du 1er janvier 2018, tous les revenus salariaux versés seront en principe ponctionnés par l’application d’un taux qui sera fourni par l’administration fiscale. Ce taux sera celui afférent à l’impôt liquidé en 2017, sur les revenus perçus en 2016. Rien de vraiment contemporain ! Dans le cas où l’administration ne peut pas fournir ce taux « réel », l’employeur disposera de barèmes lui permettant de déterminer à quel niveau il doit ponctionner ses différents salariés.
La seconde vertu vantée par les zélateurs du système, c’est la simplicité… Pour les salariés contribuables ça reste à voir mais pour les entreprises, surtout les plus petites, bonjour l’angoisse. Et ce n’est pas fini. Il faut savoir qu’une fois le taux moyen d’imposition connu et communiqué, tant au redevable principal de l’impôt qu’au collecteur, le premier peut procéder à sa modulation. En effet, le taux est celui du foyer fiscal, et chaque membre du foyer fiscal peut obtenir, sous certaines conditions, de celui qui collecte, la modification de ce taux, dès le 1er janvier 2018. Le salarié contribuable pourra faire évoluer ce taux en s’adressant aux services fiscaux, via Internet notamment (pour celles et ceux qui y ont accès) ou, pour les autres, en se déplaçant à des guichets hélas moins nombreux et toujours pris d’assaut… Chaque contribuable pourra par ailleurs, sous certaines conditions non connues à ce jour, faire évoluer son taux de prélèvement mensuel en fonction de l’évolution de sa situation financière et/ou familiale. En effet, si le montant du prélèvement s’adapte automatiquement aux variations (le seul caractère contemporain du dispositif réside ici), à la hausse ou à la baisse, des revenus perçus, en cas d’augmentation soudaine de ses charges le contribuable pourra, dans certaines limites, demander à moduler le taux de prélèvement.
Donc, dans l’absolu, le taux initialement calculé et appliqué par le collecteur dans son système de paye pourrait évoluer plusieurs fois entre le 1er janvier 2018 et le 31 août 2018. À cette date, de toute manière, un nouveau taux sera notifié. En effet, en 2018, tous les contribuables devront déposer une déclaration des revenus perçus en 2017. S’agissant de la transition d’un système à l’autre, l’impôt ainsi sera liquidé et annulé par un crédit d’impôt équivalent au montant dudit impôt. Mais de cette liquidation « fictive » naîtra un nouveau taux moyen d’imposition (rafraîchissement) qui viendra s’appliquer aux salaires versés à compter du 1er septembre 2018 au 31 août 2019. Et ce taux pourra à nouveau être modulé durant cette nouvelle période.
Comment l’État va-t-il pouvoir faire ses comptes au titre de « l’année blanche » ? En jouant (sur les marchés ?) sur l’avance que vont lui faire les redevables de l’IR, via les collecteurs ? En effet dans le système actuel, chaque contribuable verse des acomptes (mensuellement ou par tiers) en année N qui s’imputent, la même année, sur l’impôt sur les revenus perçus en N-1 (en 2016, versement d’acomptes calculés sur la base de l’IR 2015 sur les revenus 2014, qui viennent s’imputer sur l’IR 2016 sur les revenus perçus en 2015).
Les acomptes prélevés à la source entre le premier janvier 2018 et le 31 décembre 2018 viendront s’imputer sur l’IR 2018, calculé en 2019 au moment du dépôt de la déclaration des revenus perçus en 2018. L’État devrait donc détenir par avance tout ou partie de l’impôt réellement dû sur les revenus de 2018. Le montant global des prélèvements effectués en 2018 ne correspondront pas forcément au montant de l’IR 2018. Il faudra donc soit procéder à des restitutions, soit procéder à une régularisation qui pourrait générer de fait une « double imposition » pendant le dernier quadrimestre de l’année. Et attention, si cette différence est la conséquence d’une modulation excessive à la baisse des taux de prélèvements, le redevable principal sera pénalisé comme d’ailleurs le collecteur qui ne se conformerait pas au nouveau dispositif. En outre, les services fiscaux auront l’œil rivé en quasi-permanence sur la situation des entreprises collectrices. Et sur la gestion du dispositif prévu pour gérer la transition afin, par exemple, d’éviter les effets pervers (liquidation de plus values…).
Des questions de confidentialité des données demeurent
On le voit, la simplicité du dispositif du prélèvement à la source n’apparaît pas de manière si limpide que cela, tant pour les collecteurs que pour les salariés contribuables. Quant à la contemporanéité, elle est toute relative. Enfin, des questions de confidentialité des données demeurent, comme des problématiques d’égalité de traitement entre les contribuables. Le collecteur, même s’il n’a pas connaissance des éléments qui ont servi de base au calcul de l’impôt de ses salariés, pourra être « interpellé » lorsque que pour un même salaire versé à deux salariés différents, on lui demande d’appliquer un taux de prélèvement sensiblement différent. Côté égalité de traitement, certains salariés se verront appliquer un taux issu d’un barème général quand d’autres seront prélevés sur la base d’un taux individualisé ou encore que certains devront verser spontanément des acomptes.
L’obligation de télépayer ses impôts aurait été plus simple s’il s’agissait bien, à terme, de dégager des gains de productivité pour supprimer encore plus d’emplois à la direction générale des finances publiques (alors que l’ensemble de ses missions se développent… ).D’ailleurs, la DGFiP a introduit, de manière progressive, cette obligation dans la loi. Étrange conception du service public. Et au fond, c’est bien de cela dont il s’agit.
Francois-Xavier Ferrucci,
pour Solidaires Finances Publiques
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