Vietnam : Amnesty International dénonce les abus du système carcéral

Amnesty International dénonce dans un rapport publié ce mardi 12 juillet le traitement infligé aux prisonniers d’opinion au Vietnam. Un peu plus d’un an après la ratification de la convention des Nations unies contre la torture, le régime communiste vietnamien est mis face à ses contradictions.

« Quand ils m’ont arrêté, ils m’ont jeté dans une cellule obscure pendant 10 mois (…) Ils me frappaient quand l’envie leur en prenait (…) Ils me disaient que c’était pour tous les crimes que j’avais commis, mais mon seul tort, c’était d’avoir manifesté ». 

Le témoignage glaçant de Dar (pseudonyme), ancien prisonnier d’opinion au Vietnam, tranche avec l’entreprise de respectabilité engagée par le régime communiste vietnamien depuis la signature en 2013 de la convention des Nations Unies contre la torture. La levée de l’embargo sur la vente d’armes, annoncée par Barack Obama lors de son voyage au Vietnam en mai dernier relevait aussi de cette volonté, et offrait au régime une belle photo à diffuser dans le monde entier.

Alors que ces signes forts envoyés à la communauté internationale laissaient espérer que le temps de la persécution des minorités ethniques et religieuses au Vietnam était révolu, Amnesty International tire la sonnette d’alarme, avec la publication ce mardi 12 juillet d’un rapport dénonçant les mauvais traitements infligés aux prisonniers d’opinion.

Les gages de bonne volonté du régime

Les informations rassemblées par l’ONG soulignent le fossé qui existe toujours entre les déclarations publiques du Vietnam et la réalité carcérale vécue par les prisonniers de conscience, incarcérés en raison de leurs convictions, de leur origine ou de leur activisme pacifique. Les témoignages de 18 ex-détenus révèlent combien les disparitions, la torture et les mauvais traitements sont encore monnaie courante dans les prisons vietnamiennes. On y découvre également d’autres procédés de torture morale, comme le transfert punitif. L’ancien prisonnier Điếu Cày, transféré 20 fois en 6 ans et demi de détention raconte la violence de cette pratique, destinée à isoler les prisonniers de leur famille et de leurs réseaux de soutien.

Le bloggeur Nguyễn Văn Hải, plus connu sous le pseudonyme de Điếu Cày, est un des dissidents les plus médiatisés au Vietnam. – Sipa

Doté d’un régime de parti unique, le PCV, le Vietnam avait pourtant multiplié les signes de bonne volonté ces derniers temps. Les chercheurs d’Amnesty ont ainsi pu rencontrer des représentants du ministère de la Justice, des Affaires Etrangères et surtout de la Sécurité publique, qui contrôle la police et l’administration pénitentiaire. Ils ont également été invités à une visite guidée de la prison pour femmes de la région de Bắc Giang, dans le nord-est du pays, qui accueille quelque 600 détenues. Si la visite a été strictement encadrée par les officiels du parti, le seul fait qu’elle est ait eu lieu est une chose assez rare pour être mentionnée.

Pourtant ces initiatives ne sont en réalité qu’un contrepoids dans le numéro d’équilibriste du régime vietnamien, entre bonne volonté et mauvaise foi. Si la convention des Nations Unies contre la torture a été ratifiée en février 2015, le régime n’a pas jugé bon de faire explicitement de la torture un crime, comme le stipule l’article 1 de la convention.

La mauvaise foi du régime à l’épreuve de la réalité

« Prison à l’intérieur de la prison »Plus alarmant, le rapport d’Amnesty Internationale lève aussi le voile sur les procédés plus insidieux utilisés par le régime pour se soustraire à ses nouvelles obligations. Ainsi, plusieurs prisonniers parlent de la violence perpétrée par les « antennes », ces détenus qui, à la demande ou avec l’aval de l’administration pénitentiaire, lui permettent de violenter les prisonniers sans se salir les mains. On apprend également l’existence d’une circulaire non officielle, émanant du ministère de la Sécurité publique, recommandant « l’isolement cellulaire » dans des proportions dépassant largement les clous définis par le droit international. Cette pratique, souvent comparée à une « prison à l’intérieur de la prison » dans les témoignages recueillis, consiste à priver les détenus de tout contact humain réel pendant des périodes allant jusqu’à 10 mois.

L’entrée en vigueur, le 1er juillet dernier, de la nouvelle loi sur l’application de la garde à vue et de la détention a été saluée par Amnesty, qui a néanmoins pointé son caractère insuffisant tout en soulignant les « mesures législatives, administratives et judiciaires » qui doivent être prises pour que le pays se conforme à ses engagements internationaux.

Le régime vietnamien continue donc d’osciller entre bonnes intentions affichées et des pratiques occultes. Oserait-on espérer que François Hollande, qui a reçu un exemplaire du rapport en question et sera en visite officielle au Vietnam en septembre prochain, évoquera cette épineuse question ? On est en droit de l’espérer, alors qu’Amnesty estime que 84 prisonniers d’opinion demeurent tristement détenus dans les prisons vietnamiennes

 


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