Cette opération présentée comme le sacre populaire d’une décision publique d’infrastructure n’a été conçue que pour pacifier le rapport avec les Verts dans la perspective de la candidature de Hollande en 2017.
C’est une erreur fréquente que de sous-estimer la méthode Hollande en surestimant ses ambitions. Il ne s’agit que d’éluder. Contourner. L’accueil réservé au référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, saluant un « exercice de démocratie » qu’il faut désormais « respecter », atteste du succès de la ruse présidentielle. Bernés, les écologistes, qui « n’acceptent pas le verdict du peuple », se voient accusés d’immoralité politique au terme d’une entourloupe qui en constitue un exemple caractérisé.
Cette opération présentée comme le sacre populaire d’une décision publique d’infrastructure n’a été conçue que pour pacifier le rapport avec les Verts dans la perspective de la candidature de Hollande en 2017. Une double instrumentalisation politicienne : faire entrer au gouvernement Jean-Marc Ayrault, Emmanuelle Cosse et Jean-Vincent Placé qui s’opposent sur cet aéroport en annonçant le jour même un référendum et ensuite, au lieu d’une procédure acceptée par les deux parties, décider de ne consulter que la Loire-Atlantique. Seul périmètre que les sondages donnaient favorable parce que ses élus font miroiter à leurs populations rurales en difficulté d’illusoires milliers d’emplois.
L’aéroport est d’utilité publique depuis 2008 ! prétendue « consultation locale » aurait dû concerner les deux régions – Bretagne et Pays de Loire – réunies dans le Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest porteur du projet. Mais les sondages y étaient mauvais… Parlant de « mascarade à la limite de la manipulation citoyenne », le vice-président de Rennes Métropole a jugé « absolument anormal que les Bretons ne soient pas consultés ». Mais, surtout, un référendum local n’était possible que pour des projets relevant de la compétence des collectivités locales, non pour ceux relevant de l’Etat comme cet « aéroport international » destiné aux «avions gros porteurs des lignes intercontinentales». D’où la manœuvre peu commentée pour tordre le droit et modifier par ordonnance le 21 avril dernier le code de l’environnement dans un charabia qui a consterné les juristes : « L’Etat peut consulter des électeurs d’une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d’une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d’utilité publique. » Car l’aéroport est d’utilité publique depuis 2008 ! Si l’Etat savait ce qu’il voulait, il serait déjà en service… Mais ce projet fossile des années 60 suscite le doute. Il a poursuivi sa route parce que les notables locaux s’accrochent à une lubie obsolète qui a fait de la France la championne des aéroports (155 contre 45 en Allemagne).
Un Etat faible face aux élus locauxDepuis, les prévisions de transport ont été revues à la baisse, le nombre des vols augmente moins vite que celui des passagers, et la modernisation de l’aéroport de Nantes constitue la solution la plus rationnelle, tant sur le plan financier que technique et écologique. C’est la position de la Cour des comptes, des pilotes et des écologues. Avant la manœuvre hollandaise Ségolène Royal proposait, comme elle l’avait initié avec succès pour le barrage de Sivens, une remise à plat transparente de tous les paramètres de la décision. Elle avait compris que cette obstination locale résultait de la faiblesse d’un Etat qui n’était plus l’Etat aménageur des années 70 mais pas encore l’Etat des «décisions durables» qu’elle espère et qui aurait dû suivre l’avis défavorable du Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité jugeant le projet « incompatible avec les engagements de la COP21 ». Un Etat faible face aux élus locaux et qui a cédé son pouvoir pour la construction et l’entretien de l’aéroport via une délégation de service public à Vinci, le géant du BTP qui a vampirisé les réseaux d’autoroutes bradés par la droite en 2005. L’un des arguments, ubuesque, avancé en faveur du projet sur le site de la consultation de dimanche dernier était qu’en cas d’abandon l’Etat devrait verser à Vinci « de lourdes indemnités probablement supérieures » à sa participation à la réalisation de l’aéroport. Outre les risques financiers (budgets dépasssés, infrastructures à la charge des contribuables) qu’elle implique, cette délégation au privé a installé une suspecte ambiance de collusion et de dissimulation. Le Monde et Mediapart ont révélé que le préfet qui avait concocté les appels d’offres a poursuivi sa carrière au sein de Vinci, qu’un ex de Vinci s’occupe du transport et de l’environnement à Matignon, et qu’ont été dissimulées plusieurs expertises recommandant le maintien de l’actuel aéroport.
Tout a donc été fait pour éviter l’utile débat sur l’opportunité d’un tel investissement dans la France de demain. Ses partisans ont préféré exploiter le folklore des « zadistes » en rappelant que Bertrand Cantat avait manifesté avec eux… Mais François Hollande n’aura pas plus contribué à la réflexion collective. Sa ruse lui a évité de prendre position. Le référendum a permis de gagner quelques mois. Les recours qu’il a suscités en feront gagner d’autres. On peut encore compter sur la Commission européenne, qui trouve ce projet bâclé. Valls va s’énerver, Hollande, temporiser. Cela devrait tenir jusqu’en 2017. Ouf
>>> Retrouvez cet éditorial dans le numéro de Marianne en kiosques.
Il est également disponible au format numérique via et
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments