Primaire PS : la manip statique de Hollande

François Hollande ne s’est jamais vraiment départi de ses habits de premier secrétaire. Raison pour laquelle il n’a jamais pu prendre la hauteur nécessaire au dépassement des clivages politiques. Le mélodrame de la primaire n’en est qu’un énième exemple. Une manip de plus du chef de l’état. Ceux qui y voyaient un moyen de l’affaiblir, n’ont pas vu que ce n’était ni plus ni moins que l’escabeau qu’on avançait sous son royal pied.

« Ceux qui sont à la tête des grandes affaires ne trouvent pas moins d’embarras dans leur parti que dans celui de leurs ennemis », notait le cardinal de Retz – un frondeur – dans ses Mémoires. C’est pendant longtemps la question que se sont posée François Hollande mais aussi tous ses prédécesseurs : comment parvenir à museler le parti présidentiel peuplé de Brutus et comptant si peu de Césars ? Depuis son accession à la magistrature suprême, le chef de l’Etat a compris que son salut nécessitait la disparition du Parti socialiste et de ses encombrants. Mais cette constatation s’inscrivant dans l’esprit de nos institutions a buté sur deux problèmes. Le premier était produit par François Hollande lui-même : en se comportant comme un éternel premier secrétaire à la tête de l’exécutif, l’ancien député de Corrèze s’est condamné à ne pas prendre la hauteur nécessaire au dépassement des clivages politiques.

Le second est que ce « grand cadavre à la renverse où les vers se sont mis » (1) n’a jamais cessé de bouger en dépit (ou en raison) de ses déroutes électorales successives. L’usage incongru du 49.3, outre l’incapacité de Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, est la meilleure preuve que cet agonisant qu’est le PS a encore de la ressource. Il faut donc avant la présidentielle en finir définitivement avec ce parti accroché à la vie politique qui compte encore, l’arrogant, quelques élus et militants essuyant, comme le relève Libération du 22 juin 2016, la colère de tous les protestataires de France et de Navarre. Au passage, soulignons que jamais un parti présidentiel n’aura été traité de la sorte et fini un mandat sous le goudron et les plumes.

Pour tuer un parti politique, qu’y a-t-il de mieux qu’une primaire ?Pour tuer un parti politique, qu’y a-t-il de mieux qu’une primaire ? Y avoir recours était une évidence puisque la primaire à gauche n’a jamais quitté les esprits. Eh oui, la manip sortie du chapeau de Jean-Christophe Cambadélis, redoutable joueur de bonneteau, en plein accord avec les occupants de l’Elysée est en fait un processus qui vient de loin. Comme le rappelle François Bazin (2), ce mode de désignation a débuté en 1995 par une primaire partisane après le jet d’éponge lamentable de Jacques Delors, qui vit Lionel Jospin l’emporter sur le premier secrétaire du PS de l’époque, Henri Emmanuelli ; il s’est poursuivi en 2006, en s’ouvrant à une partie des sympathisants avec la victoire de Ségolène Royal sur Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, avant d’aboutir à la primaire accueillant tous les sympathisants de 2011.

Donc, la primaire attendait sagement son heure, posée au-dessus du manteau de la cheminée comme la lettre volée d’Edgar Poe. Mais curieusement s’est distillée l’idée complaisamment relayée par la majorité de nos éditorialistes que la primaire n’était que l’affaire des partis d’opposition et que le chef de l’Etat était naturellement candidat et exempté de passer par cette case. Quoi ? Un président sortant se comportant comme un président sorti ? « Vous n’y pensez pas ! » récitaient tous les porte-parole du hollandisme. Si bien que, lorsque fut lancée l’initiative réclamant la convocation d’une primaire pour le PS et les sympathisants de la gauche, cela fut pris aussitôt pour une machine de guerre contre le chef de l’Etat alors que ce n’était ni plus ni moins que l’escabeau qu’on avançait sous son royal pied. Les gazettes se mirent à rêver : pourquoi pas Valls, Montebourg et Macron, alliant le Ricœur à la rigueur. Ce dernier finit même par prendre pour argent comptant ce que la presse écrivait de lui alors qu’elle ne faisait que répéter ce qu’elle avait écrit jadis pour Michel Noir ou Michel Delebarre. Malheureux qui n’ont pas vu la manip ! Désormais ils se trouvent enfermés dans une pièce dont ils ont eux-mêmes muré les issues et s’aperçoivent – un peu tard – qu’Hollande est à l’intérieur.

Il est fini le temps où être manœuvrier en politique, la jouer malin, avait des lettres de noblesse.Rome n’est plus dans Rome et le centre est perdu. Cette farce de Maître Pathelin est survenue au moment même où la Ville éternelle se dotait d’une jeune maire issue des rangs du Mouvement cinq étoiles, fondé par l’histrion Beppe Grillo alors que l’on donnait cette organisation pour moribonde. Elle arrive alors qu’un peu partout en Europe mais aussi dans le monde les partis de gouvernement sont mis à rude épreuve face à ce qui s’apparente de plus en plus à une secousse tellurique. Et ce ne sont pas nos anciens révolutionnaires qui nous éclaireront. Quand Daniel Cohn-Bendit, puisant dans les arguments de cours de récré, traite Jean-Luc Mélenchon de « poule mouillée » sous prétexte que ce dernier refuse de participer à la primaire visant à adouber François Hollande, on se dit que, décidément, la pensée de tous ceux qui ont occupé le devant de la scène depuis des décennies (près d’un demi-siècle s’agissant de l’impétrant) a vidé les étriers. Il est fini le temps où être manœuvrier en politique, la jouer malin, avait des lettres de noblesse. D’ailleurs, même le cardinal de Retz a fini par se prendre les pieds dans les (trop) nombreux fils qu’il avait tissés quand le monde qu’il chérissait a commencé à sombrer. « Nil sapientiae odiosius acumine nimio » (« Rien en fait de sagesse n’est plus détestable que d’excessives subtilités »), écrit Edgar Poe, attribuant sa sentence à Sénèque. Rien n’est plus détestable et, ajoutons, rien n’est plus vain.

(1) Phrase de Sartre dans la préface à Aden d’Arabie de Nizan et titre de l’essai de Bernard-Henri Lévy sur l’effondrement du progressisme, Grasset.
(2) Les lois de la primaire, celles d’hier, celles de demain de François Bazin, note de la Fondapol. 48 p.

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