Contrôles policiers dans la manifestation : le réveil tardif du gouvernement

Pour la première fois depuis le début du mouvement contre la loi Travail, des contrôles policiers ont été exercés ce jeudi 23 juin sur les lieux de la manifestation à Paris. Comme si le gouvernement prenait enfin conscience de la nécessité de sécuriser davantage les défilés…

Venez sans sac à dos. C’est le conseil qu’a adressé ce jeudi 23 juin la préfecture de police aux manifestants qui se sont donné rendez-vous à 14 heures place de la Bastille, à Paris. Une étape a été franchie dans la sécurisation de la manifestation : pour la première fois depuis le début du mouvement d’opposition au projet de loi El-Khomri, des contrôles policiers ont été exercés sur les lieux du rassemblement.

Après avoir assuré que la police ne pouvait garantir « la préservation des biens et des personnes », le gouvernement a donc sorti de son chapeau un nouvel outil de sécurisation. Les projectiles et déguisements trouvés ont été confisqués et les personnes qui refusent de découvrir leur visage ont pu être interpellées. « Le périmètre restreint du rassemblement facilite ces contrôles, qui vont permettre d’assurer encore plus la sécurité de la manifestation« , nous a-t-on expliqué ce jeudi matin à la préfecture de police.

[Edit 16h] 95 personnes interpellées en amont de la manifestation

Quelque 95 personnes ont été interpellées ce jeudi en marge de la manifestation, indique la préfecture de police. La détention d’objets pouvant servir de projectile constituerait le motif d’un bon nombre de ces arrestations. Des personnes ont été conduites au commissariat pour vérification d’identité », ajoute la préfecture de police, sans préciser leur nombre. Au moins l’une d’entre elles faisait l’objet d’une interdiction de manifester, commen en ont été émises une centaine à titre préventif par le préfet de police.

Cette décision intervient alors que ce mercredi, sept organisations dont la CGT et la Ligue des droits de l’Homme ont demandé « l’ouverture d’une enquête parlementaire sur les choix opérés par le ministère de l’intérieur quant au maintien de l’ordre durant les manifestations. » « Nous nous interrogeons sur le degré réel de volonté des forces de l’ordre de sécuriser les manifestations », explique à Marianne la présidente de la Ligue de droits de l’Homme, Françoise Dumont, qui estime que les contrôles en amont de la manifestation « vont dans le bon sens« . Dans leur communiqué, ces organisations évoquent des cas dans lesquels « certains individus responsables de ‘casse’ sont contenus en tête de cortège sans jamais être neutralisés par les forces de police.« 

« Dispositif classique »

Faut-il y voir un lien de cause à effet avec les contrôles renforcés de ce jeudi ? L’argument selon lequel c’est le caractère semi-statique de la manifestation qui explique ce revirement sur le filtrage des manifestants ne tient en tout cas qu’à moitié. S’il est logiquement plus difficile de procéder à des contrôles dans un espace ouvert que dans un endroit clos, cela fait un certain temps que plusieurs haut-gradés demandent la mise en place d’un tel processus. Comme le directeur de la gendarmerie nationale Denis Favier, interrogé en 2015 par la commission d’enquête parlementaire sur « le maintien de l’ordre dans le respect de la liberté de manifester », lancée après la mort du zadiste Rémi Fraisse : « Nous sommes capables de suivre les meneurs (des casseurs) et, par le biais d’un dispositif de préfiltrage, de commencer un tri« , déclare-t-il déjà.

Quelques jours plus tôt, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve en personne affirmait devant la même commission d’enquête que les « dispositifs rigoureux de filtrage (…) sont classiques » en cas de « perturbations entraînant des troubles graves à l’ordre public« . La mise en place de dispositifs d’interception des « casseurs » en amont de la manifestation serait d’ailleurs fréquente, concède à Marianne la préfecture de police : « Nous interceptons fréquemment des manifestants violents à la sortie des transports en commun, seulement nous ne communiquons pas toujours là-dessus, pour que les casseurs ne soient pas prévenus de notre présence« . Pourquoi aujourd’hui changer de position ? « Vu les évènements de ces derniers jours, on s’est dit qu’il fallait communiquer« , indique une source à la préfecture. Et sécuriser davantage le cortège. Comme si c’était la crainte de perdre la bataille de l’opinion qui avait enfin motivé le gouvernement à agir.

 

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