Une semaine après Orlando, pourquoi la polémique sur l'UEFA n'est pas "fausse"

L’UEFA a choisi de ne pas consacrer, en marge de l’un des matches de l’Euro en France, une minute d’hommage aux victimes de l’attentat homophobe de dimanche dernier à Orlando. Un comportement qui a choqué, en témoignent les 25.000 signatures réunies à ce jour par une pétition sur le sujet. Une émotion révélant à quel point ceux qui fustigent une « fausse polémique » ont tort…

« Irréaliste ». Froide et comptable, l’explication de l’UEFA donnée lundi à Marianne pour justifier qu’aucun hommage n’ait été rendu, en marge de l’un des multiples matches de l’Euro qui se sont déroulés en France cette semaine, aux 49 morts de l’attentat homophobe commis dans une boîte de nuit d’Orlando le week-end dernier, a frappé par son cynisme :

« Il y a malheureusement des événements tragiques qui se déroulent presque quotidiennement partout dans le monde, et il serait tout simplement irréaliste de rendre hommage à toutes les victimes. »

Une (non)-réaction qui a d’autant plus choqué que trois jours plus tard, une minute d’hommage a en revanche été organisée – à juste titre – à la mémoire des deux policiers lâchement assassinés lundi à leur domicile de Magnanville, dans les Yvelines. Le sujet n’est pas d’entrer dans une concurrence victimaire indécente : les deux événements méritaient que l’on arrête un instant nos activités, que les supporters de football se taisent un instant (en non n’applaudissent pour masquer de prévisibles huées, mais c’est un autre sujet), afin de penser à ces victimes et de réfléchir à cette barbarie qui nous frappe désormais régulièrement.

Bien sûr, de nombreux esprits souligneront que les deux policiers étaient français, qu’ils ont été assassinés sur le sol français et que donc, en leur rendant hommage avant le match des Bleus à Marseille, l’UEFA cochait les deux principales cases avancées dans sa « liste » de critères d’hommage :

« En règle générale, dans les compétitions de l’UEFA, des hommages (minute de silence, brassards noirs) sont rendus aux victimes d’événements tragiques qui sont soit liés au football directement, soit à l’une des équipes participantes ou au pays organisateur. »

Moins une proximité géographique qu’un sentiment de proximité culturelle

D’autres esprits, pas toujours mal intentionnés loin s’en faut, souligneront encore que personne ne bronche à la non-réaction de l’UEFA quand un attentat frappe par exemple l’Irak. Feignant d’ignorer que l’émotion populaire répond le plus souvent – on peut le déplorer mais c’est ainsi – à la fameuse « loi du mort-kilomètre » (plus un événement se passe loin de nous, plus il faut de morts pour nous toucher), qui est en fait moins une proximité géographique qu’un sentiment de proximité culturelle et que l’on baptiserait plus à propos « loi du mort-mode de vie ». Car ce qui a frappé en France et en Europe, dans l’attentat d’Orlando, ce n’est pas tant le nombre de victimes en soi que sa nature homophobe. Donc contre des communautés pour lesquelles l’Amérique du Nord et l’Europe sont les deux zones géographiques au monde qui, bien qu’imparfaitement encore, les reconnaît le plus, les respecte le plus et les protège le plus. Non pas pour leur « choix de vie » mais pour ce qu’elles sont, tout simplement. C’est en cela que l’Europe est concernée : ses valeurs ont été attaquées en Floride. Et que l’UEFA l’est plus encore : le combat contre l’homophobie reste encore à gagner dans le football.

L’émotion suscitée, d’abord par le tragique événement puis par la non-réaction de l’UEFA, a d’abord été palpable sur les réseaux sociaux. Puis elle s’est manifestée dans une pétition de « Demande d’hommage à l’UEFA pour les victimes de l’attentat homophobe d’Orlando » qui, en une semaine, a réuni pas moins de 25.000 signatures. Mettant le doigt sur la faille du raisonnement de la confédération européenne de football et de ceux qui pointent ici une « fausse polémique » : en réalité, l’UEFA n’a pas de règles précises – d’où la précision « en règle générale », qui lui laisse toute latitude dans ses choix – pour définir quand doit être rendu un hommage ou pas. Et c’est heureux car si elle en avait, comment définirait-elle les seuils numéraires de victimes à partir desquels il faudrait considérer la commémoration d’un événement tragique comme « réaliste » ? C’est cette latitude qui lui a permis, après les attentats de Bruxelles en mars dernier, d’organiser deux hommages avant des matches qui ne se jouaient pas en Belgique ni avec la Belgique. Ou encore, après la mort du pape Jean-Paul II, qui n’était ni une catastrophe, ni une personnalité du football. La vérité, c’est que l’UEFA, pour le choix de ses hommages, prend habituellement en compte l’émotion suscitée par l’événement au sein de la population du pays qui joue et/ou accueille ses matches. Là, non.

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