Mauvaise gestion des supporters violents dans les stades, non-réaction à la tuerie d’Orlando… Au nombre des critiques qui pleuvent sur l’UEFA depuis l’ouverture de l’Euro de football en France, une petite musique revient régulièrement : celle du cadeau fiscal massif que lui a accordé l’Etat français. Mais comment la France a-t-elle pu consentir à attribuer un tel privilège à un sport générant autant d’argent ? Retour sur l’histoire d’un diktat accepté par la droite comme par la gauche.
« Une magnifique nouvelle pour tous les amoureux de ballon rond et de sport en général », « une formidable nouvelle pour la France »… De Bertrand Delanoë à Christian Estrosi, les responsables politiques étaient unanimes ce 28 mai 2010, quand l’UEFA (la confédération européenne du football) a accordé à la France l’honneur d’accueillir l’Euro de football en 2016. Une victoire pour le foot et le sport français, obtenue notamment grâce à l’implication de Nicolas Sarkozy. Mais une victoire à la Pyrrhus pour les finances publiques… Car l’attribution de cet Euro n’aurait en effet pas été possible sans que la France ne consente à concéder une exonération fiscale quasi-absolue à l’UEFA.
La confédération européenne de football impose en effet tout simplement aux pays candidats à l’accueil de sa compétition majeure de concéder une exonération fiscale sur les activités qu’elle organise. Ce qu’assumait en 2014 dans Le Monde l’institution alors dirigée par un certain Michel Platini : « L’UEFA avait déjà inclus dans le cahier des charges pour l’obtention de l’UEFA EURO 2012 une demande de garantie pour une exonération fiscale, ce que les deux pays organisateurs, la Pologne et l’Ukraine, avaient fourni. Cette condition était déjà incluse dans les procédures de candidature pour les Euro 2004 (au Portugal) et pour l’Euro 2008 (coorganisé par la Suisse et par l’Autriche) ». Paris a donc capitulé comme les autres capitales européennes.
Accepté par la France sous Nicolas Sarkozy, le diktat a été entériné quatre ans plus tard par le gouvernement socialiste. Lequel avait fait passer la pilule dans sa loi de finances rectificative, votée par l’Assemblée nationale le 9 décembre 2014, à la quasi-unanimité bien sûr des députés socialistes.
Et c’est peu de dire que l’avantage fiscal accordé est généreux. Selon les termes de cette loi de finances rectificative, la société EURO 2016 SAS – qui organise l’Euro et appartient à 95% à l’UEFA – est exemptée de l’impôt sur les sociétés + de l’impôt sur le revenu + de la retenue à la source + de la taxe sur les salaires + de certaines participations + de la taxe d’apprentissage…
Un beau paquet fiscal qui ne dérange pas outre-mesure l’actuel ministre des Sports, qui était déjà en poste lors du vote. A ce moment-là, Patrick Kanner avait confié au Monde : « Si la France ne s’était pas engagée, l’Euro 2016 serait parti ailleurs ». Eh oui. Et de renchérir : « Alors, que souhaite-t-on ? Voir la France disparaître du paysage sportif international ? Qu’elle devienne un désert ? Un Euro de football constitue le troisième événement sportif international ». Prière de ne pas broncher, donc.
Aujourd’hui, le bénéfice final de ce cadeau fiscal pour l’UEFA se précise. Contacté par Marianne, le député Jean-Luc Laurent nous avait confié que la rapporteure générale au Budget, Valérie Rabault, a estimé le manque à gagner pour les finances publiques à au moins 600 millions d’euros !
Heureusement, l’UEFA n’a pas été exonérée de la TVA qui, selon un rapport du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, devrait rapporter 250 millions à l’Etat et aux collectivités lors de cet Euro. Un bien maigre pactole toutefois, par rapport aux plus de 650 millions d’euros engagés par l’Etat et les collectivités pour la tenue de l’événement : construction et rénovation des stades, adaptation des transports, construction et sécurisation des « fan zones ».
Les quelques 600 millions d’euros abandonnés par l’Etat auraient donc été les bienvenus pour amortir ces investissements publics. Surtout que de son côté, l’UEFA table sur des recettes de l’ordre de deux milliards d’euros…
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