Du 10 juin au 10 juillet, la France accueille le championnat d’Europe de football. Organisé par l’UEFA, il devrait rapporter gros à la confédération européenne. Et la France ?
>> Cet article a été publié une première fois le 14 mai.
Jackpot pour l’UEFA ! Selon la confédération européenne de football, l’Euro qu’elle organise en France du 10 juin au 10 juillet devrait lui rapporter pas moins de 1,9 milliard d’euros. Par rapport aux près de 700 millions engagés par l’institution basée en Suisse pour l’organisation de l’événement, la rentabilité est insolente. Dans le détail : un milliard proviendra des diffuseurs TV, un demi-milliard de la billetterie et des services proposés dans les stades, 400 millions des sponsors. Ce qui fait réagir le député du Val-de-Marne Jean-Luc Laurent, qui explique à Marianne que « la France se soumet à l’UEFA ».
La France aura participé au minimum à hauteur de 650 millions d’euros pour permettre la tenue de l’événement. L’Etat et les collectivités territoriales ont ainsi contribué au financement de la construction et la rénovation des dix enceintes sportives qui accueilleront les matches de la compétition. Des travaux qui auront coûté pas moins de 620 milliards aux collectivités publiques. Mais ce montant est néanmoins « à relativiser » pour Nathalie Henaff. Chargée d’études économiques au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges, elle explique à Marianne que « l’Euro a accéléré des projets de construction d’enceintes sportives prévues de longue date et qui auraient de toute façon bénéficié de financements publics ». Et qu’ainsi, moins de la moitié des investissements consentis pour les stades seraient directement dûs à l’Euro.
En plus de la construction et de la rénovation des enceintes, l’Etat et les municipalités prennent en charge la majeure partie du coût des fan zones, espaces qui accueillent les supporters dans chacune des villes hôtes. Initialement prévu à 12 millions d’euros par le ministère de l’Intérieur rien que pour la sécurité, leur coût devrait au moins doubler du fait des mesures de sécurité post-attentats, reconnaît-on place Beauvau.
A peine 250 millions de recettes pour l’EtatDes dépenses substantielles qui n’engendreront « certainement pas » un retour sur investissement pour les collectivités publiques, assure à Marianne Patrice Bouvet, économiste du sport à l’université de Poitiers. En effet, l’Etat et les villes hôtes devraient se partager une maigre enveloppe sur les recettes de l’UEFA : 63,5 millions d’euros. Le rapport du CDES sur l’impact économique de l’Euro, publié en novembre 2015, table également sur 180 millions d’euros de rentrées fiscales imputables à l’événement. Soit, au total, à peine 250 millions de recettes. Un montant qui aurait pu grimper bien plus haut si le Parlement n’avait pas voté une exonération fiscale pour l’UEFA. Jean-Luc Laurent nous explique que la rapporteure générale au Budget lui a confié que l’exonération constituerait un manque à gagner pour l’Etat d’au moins 600 millions d’euros.
Mais à en croire le ministère du Travail, « l’Euro 2016 servira la croissance et l’emploi ». S’appuyant sur les conclusions du rapport du CDES de Limoges, les services de Myriam El Khomri expliquent que l’événement permettra « d’injecter plus d’un milliard d’euros dans l’économie des territoires ». Le document en question table en effet sur un impact économique d’1,27 milliard d’euros, qui correspond à la somme des apports financiers d’acteurs étrangers. « Il ne s’agit pas d’une étude sur les recettes potentielles de l’Euro, mais d’une estimation du surcroît de l’activité », précise Nathalie Henaff.
Un « surcroît d’activité » qui relancerait la croissance ? Rien n’est moins sûr, surtout au regard des précédents grands événements sportifs. L’étude du CDES se base sur trois tournois : la Coupe du monde de rugby organisée en 2007 en France, et les deux derniers championnats d’Europe de football. Et aucune de ces manifestations n’a porté la croissance du ou des pays organisateurs. L’impact des fonds publics peut également être annihilé par « un effet d’éviction », souligne Patrice Bouvet : les sommes injectées pour l’organisation d’une compétition comme l’Euro auraient pu ainsi l’être dans d’autres secteurs. Finalement, le meilleur moyen d’être rentable reste de laisser l’organisation aux acteurs privés. A l’instar des Jeux olympiques d’Atlanta de 1996, « derniers Jeux olympiques rentables », selon l’économiste du sport.
Une « synergie » entre acteurs locauxReste que les grands événements sportifs entraînent des retombées « autres que simplement financières » mais qui pourraient être facteurs de croissance. Nathalie Henaff estime que « le retour sur investissement n’est pas seulement financier » mais aussi « humain ». En faisant travailler des acteurs régionaux lors de sa préparation, l’Euro « crée une cohésion sur le territoire entre des agents économiques qui ne travaillaient pas ensemble jusqu’alors ». Une « synergie » qui pourrait, à terme, être source de richesse. Patrice Bouvet rejoint la chercheuse du CDES, relevant néanmoins qu’il s’agit « de retombées difficilement prise en compte par les outils de mesure économique actuels ».
Dans leurs discours, les organisateurs français aiment à rappeler que la victoire finale de l’équipe de France de football en 1998 avait engendré une hausse du moral des ménages, et donc de la consommation (+2,9%). Pourtant, quatre ans plus tard, les champions du monde s’étaient fait sortir dès le premier tour de la compétition. Et la consommation avait alors crû de 3,3%… Que les amateurs de football se rassurent : les statistiques démontrent également que le pays qui accueille la compétition a de plus fortes chances de remporter le trophée. Une victoire sportive qui pourrait faire oublier une défaite économique…
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