Premier geste des députés pour encadrer les salaires des patrons: peut mieux faire

Après l’affaire du salaire de Carlos Ghosn et son passage en force contre l’avis de l’assemblée des actionnaires, les députés, dans le cadre de la discussion sur la loi Sapin II, ont finalement rendu contraignante la prise en compte du vote des actionnaires sur les salaires versés aux dirigeants. « Un pas considérable », pour Michel Sapin. Un saut de puce pour ceux qui réclamaient l’encadrement des salaires.

Après le scandale de l’affaire du salaire de Carlos Ghosn, le PDG de Renault-Nissan, qui s’est octroyé une rémunération de 7,25 millions d’euros contre l’avis de l’assemblée générale des actionnaires, un vent de révolte a soufflé dans l’opinion publique et la classe politique. Remettant au coeur des discussions la question de la rémunération des dirigeants d’entreprises, et de leur encadrement. Dans la nuit du 9 juin, les députés, dans le cadre de l’examen du projet de loi Sapin II, ont donc voté une disposition visant à rendre contraignante la prise en compte du vote des actionnaires sur les salaires versés aux dirigeants.

Dans l’affaire Ghosn, le 29 avril, l’assemblée des actionnaires avait rejeté à presque 54 % des suffrages la proposition de rémunération du dirigeant. Pas grave, dans la foulée, le Conseil d’administration l’avait approuvé, s’asseyant ouvertement sur l’avis des actionnaires. Et en toute légalité ! En 2013, le patronnat (Afep-Medef) a bien mis à jour son « code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées », introduisant le « say and pay », une procédure qui consiste à consulter les actionnaires sur la rémunération des dirigeants. Sauf que l’avis n’est que consulatif. D’où le « progrès » du vote d’hier soir. Avec cette disposition introduite par le rapporteur PS de la loi, Sébastien Denaja, la décision des actionnaires ne pourra plus être contournée. 

« Nous franchissons un pas qui est considérable », s’est félicité le ministre des Finances, Michel Sapin. Un grand pas pour François Hollande surtout, à un an de la présidentielle, qui redore un peu son blason de combattant de la finance, mais un petit pas dans la lutte contre les dérives des dirigeants des grandes entreprises. Pascal Cherki, frondeur assumé et député PS de Paris, a par exemple estimé que ce vote contraignant des actionnaires n’aurait « pas d’effet« , puisque des votes négatifs, comme celui concernant la rémunération de Carlos Ghosn, sont très rares. 

D’autant qu’à l’Assemblée, deux autres propositions auraient été bien plus efficaces. A l’image de celle proposée par le député Front de gauche, Gaby Charroux, qui avait pour ambition de limiter l’écart des salaires dans une même entreprise de 1 à 20. Un texte rejeté en Commission puis dans l’hémicycle en mai. Une autre consistait à limiter l’écart de 1 à 100. Là encore, la proposition a été rejetée, à une voix près. Pourtant, dans la foulée du scandale Ghosn, une quarantaine de personnalités politiques, syndicales ou issues de la société civile ont signé une pétition publiée dans les colonnes de Libérationréclamant de légiférer pour qu’un patron ne perçoive pas plus de 100 Smic. Parmi les signataires, on retrouvait le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis ou Christophe Borgel, numéro 2 du PS. Toujours cette fichue différence entre les paroles et les actes…

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