La gauche et les féministes peuvent-elles à la fois lutter contre les stéréotypes liés au genre, invoquer sans cesse l’égalité, l’émancipation ou l’universalité des droits et s’émerveiller d’une telle régression sociale ?
Le 8 mars 1979, les femmes iraniennes descendaient massivement dans les rues de Téhéran afin de s’opposer au port obligatoire du voile islamique. Ces images et ces témoignages sont accessibles sur Internet. On y voit pléthore de femmes arabes conquérantes, libres, les cheveux aux vents, s’appropriant l’espace public au nom de ces aspirations universelles que sont l’égalité et la liberté.
Le 16 mai 2014, une autre manifestation a eu lieu. Trente-cinq ans plus tard, nombre de femmes iraniennes descendaient à leur tour dans les rues de Téhéran pour réclamer davantage de sévérité contre celles qui ne respectent pas le port du voile, les « mal voilées ». Les femmes, scrupuleusement séparées des hommes, portaient toutes sans exception un tchador aussi noir que le pétrole. La Révolution islamique avait fait son œuvre.
Les sociétés humaines peuvent régresser. Et la France n’est pas à l’abri de ce type de régression. Certes, notre pays n’est pas aux mains des mollahs. Nous ne vivons pas dans une théocratie islamique. Et les musulmans constituent une fraction minoritaire du peuple français. Pour autant, l’islam radical est une réalité concrète de plus en plus violente. Le voile islamique, marginal il y a trente ans alors qu’il y avait déjà des centaines de milliers de musulmans en France, n’a jamais été aussi répandu. Le niqab salafiste et la burqa imposée aux Afghanes par les Talibans ont fait leur apparition dans notre démocratie. Près d’une centaine de lieux de culte musulmans diffuseraient les thèses radicales salafistes auprès de leurs fidèles. Le ministre de la Ville recense près d’une centaine de quartiers français similaires à Molenbeek, Molenbeek faisant figure de bastion djihadiste. Quant aux attentats terroristes, ils sont toujours plus fréquents, plus sauvages et plus spectaculaires. Près de 150 personnes ont été exécutées en 2015 au nom d’Allah ici-même. Mais l’islam radical ne se cantonne pas à la France, il menace le monde entier.
Dans ce contexte, le voile, quelle que soit sa longueur, apparaît de plus en plus comme un étendard politique et prosélyte. La laïcité garantissant le libre exercice des cultes et la liberté d’expression religieuse, dès lors qu’elle ne trouble pas l’ordre public, les femmes musulmanes ont le droit de porter le voile dans l’espace public. Mais la gauche et les féministes peuvent-elles à la fois lutter contre les stéréotypes liés au genre, invoquer sans cesse l’égalité, l’émancipation ou l’universalité des droits et s’émerveiller d’une telle régression sociale ?
Pourquoi le discours change-t-il du tout au tout d’un fondamentalisme à l’autre ? La moindre déclaration sur l’IVG d’un dirigeant catholique, fût-elle insupportable, provoque instantanément fureur collective et dénonciations. Mais quand l’islam radical, sous couvert de mode pudique, fait son entrée par la grande porte des enseignes vestimentaires, les critiques les plus légitimes sont dénoncées comme une stigmatisation raciste. En occultant complètement la dimension politique et machiste du voile dans tous les pays musulmans, nous fermons également les yeux sur le contexte international tragique et inhumain, pour les femmes en particulier, dans lequel nous vivons. Ces Occidentales dorlotées qui se réclament du féminisme ont-elles la moindre pensée pour les deux mille femmes et filles enlevées et voilées de force par Boko Haram ? Ont-elles seulement conscience que la révolution islamique ne s’est pas arrêtée aux frontières de tel ou tel pays, mais qu’elle essaime partout, d’un bout à l’autre du globe ?
Ce relativisme propre aux démocraties occidentales est-il encore acceptable sachant que le voile est l’un des outils de propagande de dictatures comme l’Arabie Saoudite et l’Iran, et une question de vie ou de mort dans nombre de pays du monde ?
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