Les blocages de dépôts de carburant et de raffineries qui se propagent depuis une semaine expliquent la pénurie totale ou partielle qui touche quelque 1.600 stations-service ce lundi 23 mai. En ligne de mire des grévistes : la loi Travail de Myriam El Khomri.
L’action des grévistes, initiée en début de semaine dernière par des routiers grévistes puis relayée par des salariés du secteur pétrolier, a porté ses fruits : moins d’une semaine plus tard, sur les huit raffineries que compte le pays, six ne font plus sortir de carburant.
Cinq de ces huit raffineries sont « à l’arrêt ou en cours d’arrêt » ce lundi 23 mai, précise-t-on à la CGT : il s’agit de celles de Total à Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), Donges (Loire-Atlantique), Feyzin (métropole de Lyon) et Provence-la-Mède (Bouches-du-Rhône), ainsi que la raffinerie Petroineos de la Laréva, à Martigues (Bouches-du-Rhône). La raffinerie Total de Grandpuits-Bailly-Carrois (Seine-et-Marne) n’est quant à elle pas à l’arrêt mais une « grève reconduite de 72 heures » en empêche « toute sortie de produits pétroliers« . Conséquence : « Seules deux raffineries Esso continuent de marcher : celle de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et celle de Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime)« , a indiqué Emmanuel Lépine, secrétaire fédéral de la branche pétrole de la CGT.
Quant aux dépôts de carburant, une dizaine sont actuellement bloqués sur les 78 répartis sur le territoire. Plusieurs centaines de militants CGT bloquent ainsi depuis la nuit de dimanche à ce lundi celui de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).
En se propageant sur l’ensemble du territoire, ces blocages contraignent le réapprovisionnement des stations-essence dans ces régions. « Sur 12.000 stations-service en France, seules 816 sont en rupture de stock total, et 800 sont en rupture partielle, » a compté ce lundi matin sur Europe 1 le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies. Ce qui fait « moins de 20% » de l’ensemble des stations du territoire, avait-il souligné dimanche sur RTL, « certes concentrées dans certaines régions« .
Les Hauts-de-France et la Normandie sont les régions les plus touchées par la pénurie de carburant. Selon la société exploitatrice d’Esso, près de 10% des stations du groupe sont en rupture totale d’essences et 23% de gazole. Dans l’Oise, la Seine-Maritime et la Somme, « quasiment 100% » des stations ne proposent plus de gazole, explique le porte-parole du groupe.
En Ile-de-France aussi, la situation est précaire : 76 stations sont ainsi en rupture totale ou partielle, rien que pour le groupe Total. Des difficultés qui se concentrent dans l’Ouest parisien (Hauts-de-Seine et Yvelines).
Le comparateur de prix à la pompe mon-essence.fr publie une carte en direct de la pénurie :
Face au risque plus élevé dans ces territoires, les préfectures ont pris des dispositions préventives. En Ille-et-Vilaine, Côtes d’Armor, Finistère, Orne, Loire-Atlantique, Vendée, Mayenne et l’Eure, des arrêtés limitent le volume maximal de carburant pour les véhicules légers à 20 ou 30 litres. Et à un volume maximal de 40 ou 50 litres pour les poids lourds. Les préfectures de Seine-Maritime, Calvados, Nord, Somme et Pas-de-Calais ont interdit pour leur part le stockage de carburant dans des bidons.
Alain Vidalies martèle qu’il n’y a « pas de risque de pénurie » de carburant « pour la semaine » dans les stations françaises, appelant les automobilistes à ne pas céder à la « panique« . Une pénurie que ces derniers vivent pourtant déjà par milliers. Inquiets d’un futur manque de carburant, les automobilistes se sont précipités ces derniers jours à la pompe, amplifiant le phénomène. Certaines stations ont ainsi enregistré une consommation « trois fois supérieure à la moyenne », selon Laurent Michel, directeur général de l’Energie et du Climat.
Interrogé sur le risque de pénurie, le secrétaire fédéral de la branche pétrole de la CGT a qualifié de « virtuels » les « 90 jours de stocks stratégiques » avancés par le secrétaire d’État aux Transports. « Ces stocks sont très fluctuants, ils sont situés dans les raffineries pour la plupart et donc à partir du moment où elles ne sont pas accessibles, ça devient difficile« , a-t-il rappelé… Et le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, appelle depuis ce week-end à « généraliser la grève ».
Le mouvement de grève a commencé le 17 mai, une semaine après que la loi Travail est passée en force en première lecture à l’Assemblée, Manuel Valls ayant utilisé l’arme constitutionnelle du 49-3. Et le ton est encore monté ce lundi 23 mai. Le numéro un de la CGT, Philippe Martinez, a déploré que le gouvernement choisisse « de bomber le torse, (de) gonfler les muscles » au lieu d’être à « l’écoute de ceux qui ne sont pas contents« . Michel Sapin lui a répliqué en fustigeant « une CGT, pour des raisons souvent internes, qui s’est extraordinairement durcie et qui n’est que dans la protestation et qui n’est plus du tout dans le dialogue« . S’il est « légitime de protester contre un texte de loi ou de défendre (…) un certain nombre de revendications« , « il y a un moment donné (…) où on passe à l’illégitime« , a jugé Michel Sapin. Aussi, a-t-il ajouté, de tels mouvements n’auront « évidemment pas la moindre indulgence de la part du gouvernement« , qui utilisera « tous les instruments qui sont dans (ses) mains » pour faire « en sorte que ça se débloque« …
Des propos qui font écho aux menaces de Manuel Valls dès la semaine dernière.
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