Alors que le candidat national-populiste du FPÖ est donné favori du second tour de l’élection présidentielle autrichienne, dimanche, Marine Le Pen observe de près ses alliés, qui pourraient bien lui servir de modèle alors que le FN reste rejeté par la majorité des électeurs. « Si Hofer est élu, ça va être un choc, car ça va dédiaboliser l’extrême droite en Europe », redoute un conseiller de François Hollande.
La plupart des électeurs autrichiens ne le savent sans doute pas, mais depuis le 24 avril, Marine Le Pen les adore. « Bravo au peuple autrichien ! », tweetait la patronne du Front national ce soir-là. Elle venait de prendre connaissance des résultats du premier tour de l’élection présidentielle en Autriche. C’est Norbert Hofer, le candidat du parti d’extrême droite FPÖ, qui était arrivé largement en tête avec 35% des voix. La députée Marion Maréchal-Le Pen voyait de son côté un « formidable espoir » dans cette percée historique : jamais l’extrême droite autrichienne n’avait réalisé un tel score à une élection nationale.
Le FN attend maintenant avec une certaine impatience le résultat du second tour, qui se déroule ce dimanche 22 avril. Un duel inédit : Norbert Hofer, qui est donné favori, affronte le candidat indépendant Alexander Van der Bellen, ancien chef des Verts autrichiens. Les deux grands partis de gouvernement, les sociaux-démocrates du SPÖ et les conservateurs de l’ÖVP, qui se partagent le pouvoir depuis l’après-guerre, ont été balayés dès le premier tour. Les inquiétudes liées à la montée du chômage et à la crise des migrants – sur laquelle le candidat du FPÖ ne s’est évidemment pas privé de surfer – ont fait éclater le paysage politique traditionnel.
On comprend qu’un tel scénario fasse envie aux caciques du FN… D’autant que si la plupart des sondages voient Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017, aucune étude récente ne prédit son élection. Un triomphe de Norbert Hofer dimanche constituerait donc « un atout pour le Front national », assure à Marianne le vice-président du parti, Florian Philippot, « quelles que puissent être nos divergences ». « Ce serait incontestablement un bel exemple qui démontre que la victoire est possible et qu’il y a une belle dynamique patriote », explique le bras droit de Marine Le Pen.
Alliés au sein du même groupe au Parlement européen, le FN et le FPÖ, qui partagent les mêmes positions eurosceptiques et anti-immigrés, sont copains comme cochons. Marine Le Pen s’est souvent rendue en Autriche ces dernières années pour soigner ses relations avec ses homologues. Et début 2012, c’est à l’invitation d’un élu du FPÖ que la présidente du FN a valsé au bal des Burschenschaften, les corporations d’étudiants qui servent de vivier de recrutement au parti d’extrême droite.
Mais si le FN cite le FPÖ comme « exemple », c’est aussi parce que ses dirigeants semblent plus proches du pouvoir en Autriche que leurs petits camarades frontistes en France. Certes, les présidents autrichiens se sont toujours cantonnés à une pratique honorifique de leur fonction, laissant le soin de gouverner au chancelier. Mais en théorie, la Constitution confère d’importants pouvoirs au président, comme celui de changer de chancelier ou de dissoudre le Parlement.
« Des Français pourraient se dire : ‘après tout, si les Autrichiens l’ont fait, pourquoi pas nous ?' »
Or, derrière la candidature de Norbert Hofer, c’est en réalité l’ombre du patron du FPÖ, Heinz-Christian Strache, qui se profile. L’homme n’a jamais caché son ambition de prendre les rênes du pays en devenant chancelier. Arrivé à la tête du parti en 2005, il a quelque peu poli le discours du FPÖ, sur lequel plane toujours l’ombre des néo-nazis des origines. Strache a tenté de gommer l’antisémitisme des précédentes campagnes tout en concentrant ses attaques sur l’islam et l’Union européenne. Il a aussi nuancé le libéralisme historique du parti pour mettre l’accent sur la protection sociale. Le discret et toujours souriant Norbert Hofer, 45 ans, quasiment inconnu du grand public, est l’incarnation parfaite de cette « dédiabolisation » derrière laquelle se cache un programme extrémiste. Cette stratégie n’est pas sans rappeler celle de Marine Le Pen, soucieuse de rompre avec les multiples provocations de papa et de séduire davantage les classes populaires.
Il n’est donc pas absurde pour le FN de chercher l’inspiration chez ses alliés autrichiens, alors que les régionales de décembre ont encore montré l’échec des frontistes à convaincre les électeurs de les installer au pouvoir. Ces similitudes expliquent pourquoi François Hollande attend le verdict des urnes avec une certaine inquiétude. « Il faut avoir l’œil sur le résultat autrichien. Si Hofer est élu, ça va être un choc, car ça va dédiaboliser l’extrême droite en Europe », redoute un conseiller du chef de l’Etat. « Des Français pourraient se dire : ‘après tout, si les Autrichiens l’ont fait, pourquoi pas nous ?' » Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, s’est dit « assez inquiet » au Conseil des ministres de mercredi. Dans les préfabriqués du siège du FN à Nanterre comme sous les dorures de l’Elysée, la soirée de dimanche s’annonce fébrile.
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