Harcèlement sexuel : 17 anciennes ministres disent stop à l'impunité

Suite à la dénonciation des agissements du désormais ancien vice-président de l’Assemblée nationale Denis Baupin, 17 anciennes ministres prennent la plume ce dimanche 15 mai dans le « JDD » pour mettre fin à l’impunité des harceleurs sexuels, en politique et ailleurs. Pas si simple, leur répond l’ex-candidate EELV à la présidentielle Eva Joly.

Il y avait eu, en mai 2015, cette tribune signée de 40 femmes journalistes publiée dans Libération et intitulée « Bas les pattes ! ». Après l’affaire Baupin, qui rappelle que rien n’a vraiment changé dans le lanterneau politique, ce sont 17 anciennes ministres, de droite et de gauche, qui publient un texte collectif dans le JDD de ce dimanche 15 mai. Sous le titre « L’impunité, c’est fini », Nathalie Kosciusko-Morizet, Fleur Pellerin, Dominique Voynet, Catherine Trautmann, Valérie Pécresse et les 12 autres signataires confirment que harcèlements et agressions sexuels concernent « tous les partis, tous les niveaux de pouvoirs ».

Pour ces personnalités de la politique française, « cette fois, c’est trop, l’omerta et la loi du silence, ce n’est plus possible ». Les exemples de comportements scandaleux d’hommes politiques dévoilés par les signataires de la tribune laissent sans voix : « À part ses seins magnifiques, elle est comment ? » ; « Ta jupe est trop longue, il faut la raccourcir » ; « Est-ce que tu portes un string ? »…

Des réunions qui ont pour seul objet de « lever des filles »
La parole d’autres élues ou assistantes parlementaires recueillies par le JDD décrit la même atmosphère de domination masculine, mâtinée d’un tranquille sentiment d’impunité. Ainsi, une ancienne ministre sous Nicolas Sarkozy raconte : « Certains ministres ou députés organisaient des réunions dans le seul but de lever des filles qu’ils avaient invitées sous prétexte de cette réunion. Des assistantes ou des militantes qu’ils avaient repérées ». Rama Yade, également signataire de la tribune, raconte par ailleurs ces « gens qui vous tripotent, qui vous mettent deux mains autour de la taille et vous serrent ».

Les salariées anonymes du monde politique, proies faciles
Là où des ministres doivent déjà subir les comportements les plus vils, les choses empirent lorsque s’ajoute un lien de subordination. En première ligne, les assistantes parlementaires sont parmi les plus vulnérables : « Chaque député est employeur, il a droit de vie ou de mort sur votre carrière », témoigne l’une d’entre elle, qui raconte comment, la semaine dernière, une de ses collègues « s’est fait coincer par son député contre une voiture dans le parking ». Un autre député n’embauche « que des assistantes parlementaires de 22 ou 23 ans d’origine étrangère ». Dans les coursives de l’Assemblée, le harcèlement sexuel est tellement banal que les salariées développent des stratégies communes de « soft défense » faits de bons conseils au sujet des pires prédateurs à éviter et de solidarité féminine : « Surtout, ne va jamais seule dans un ascenseur avec lui » ; « On ne te laissera pas seule en séance de nuit avec lui ».

Changer la loi, et les esprits
Pour en finir avec ces comportements proscrits par la loi mais quasiment toujours impunis, les « 17 » proposent plusieurs pistes : « Allongement des délais de prescription en matière d’agression sexuelle, possibilité pour les associations compétentes de porter plainte en lieu et place des victimes, meilleure indemnisation des victimes de harcèlement sexuel (…), obligation légale pour les entreprises de protéger les salariés et de sanctionner le harceleur, supérieur hiérarchique ou simple collègue ». Sans oublier la création d’un référent « agression ou harcèlement sexuel dans les commissariats et gendarmeries ».

Une proposition également portée par Eva Joly ce dimanche matin, sur les ondes de France Inter. La candidate EELV à la présidentielle de 2012, qui dit n’avoir « absolument pas » été au courant des agissements de Denis Baupin« Je savais que c’était un homme à femmes, un dragueur lourd, mais je n’ai jamais su que c’était un violent » – estime que la justice doit faire des dossiers de harcèlement sexuels une priorité. Car aujourd’hui, « énormément d’affaires sont classées par absence de capacité à pouvoir les traiter », rappelle l’ex-magistrate.

Est-ce pour autant que l’impunité, c’est fini ? « Ce n’est pas aussi simple, estime la députée européenne. C’est culturel. Il va falloir du temps avant que les femmes comprennent qu’elles ont le droit de ne pas être humiliées sur leur lieu de travail ou ailleurs ». Sur France Inter, Eva Joly venait parler de son dernier ouvrage, consacré à la trahison de l’idéal européen par les derniers dirigeants de l’Union. Son titre ? Le loup dans la bergerie.

 

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