Loi Travail à l'Assemblée nationale : Valls tombe le masque sur le 49-3

Alors que Myriam El Khomri s’échine depuis des semaines à ne pas avoir l’air d’agiter la menace du 49-3 pour faire passer sa loi Travail en force à l’Assemblée, Manuel Valls confirme ce vendredi 6 mai qu’il y aura recours en cas de nécessité.

« Il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel« . C’est par cette généralité que Manuel Valls signifie qu’il n’exclut pas d’utiliser l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter au Parlement le projet contesté de loi Travail, dans une émission diffusée vendredi soir sur Public Sénat.

« Nous verrons la semaine prochaine mais ce texte doit passer« , martèle encore le chef du gouvernement dans un extrait diffusé sur Dailymotion de l’émission Bibliothèque Médicis, où il réaffirme toutefois sa « volonté de convaincre » sa majorité. Et ce, alors qu’une partie de la gauche lui demande d’exclure complètement d’avoir recours à cette « arme » constitutionnelle.

Les masques ont donc fini par tomber : fin février, en lançant son avant-projet de loi, la ministre du Travail avait évoqué l’utilisation du 49-3 dans une interview aux Echos avant d’assurer, devant le tollé suscité, qu’elle n’avait « jamais parlé du 49-3« . A l’époque, Europe 1 avait rapporté qui avait ajouté la menace dans l’interview écrite : les collaborateurs du Premier ministre…

« Je ne dis pas qu’il ne peut pas y avoir de discussion, mais… »

Au détour de cette longue interview-portrait d’une heure présentée par Jean-Pierre Elkabbach (diffusée à 22 heures), le Premier ministre est interrogé sur le projet de loi Travail et redit son attachement à « un texte important » et à ce qui est selon lui son « coeur« , à savoir le renforcement du poids des accords d’entreprise par rapport à la loi, point contesté notamment par certains députés socialistes et des syndicats comme la CGT et Force ouvrière :

« L’idée même que la négociation doive avoir lieu dans l’entreprise c’est au coeur du texte, c’est au coeur même de la philosophie du texte. Je ne dis pas qu’il ne peut pas y avoir de discussion, mais ça c’est le coeur (…) Il faut faire confiance au dialogue social et aux partenaires sociaux, il faut faire confiance aux chefs d’entreprise et aux salariés, mais dans l’entreprise ».

Et le chef du gouvernement de critiquer « ceux qui ont une autre conception du dialogue social (et qui) veulent voter contre » : « Il y a une vision extrêmement centralisatrice, jacobine, qui ne correspond pas à la réalité, qui existe dans une partie du syndicalisme français comme dans la gauche française et aussi c’est vrai du côté du patronat« . On n’est pas loin du point « je reste droit dans mes bottes »…

[EDIT Lundi 9 mai] – Dans un plaidoyer pour la loi Travail publié ce dimanche 8 mai sur Facebook, Manuel Valls affirme qu’il cherche une majorité pour voter le texte : « Chef de la majorité, c’est mon rôle de tout faire pour construire une majorité de gauche sur ce texte. Chef du gouvernement, c’est ma mission de tout faire pour qu’une loi ambitieuse pour les entreprises et les salariés soit adoptée« . Et d’assurer : « Il y a un chemin pour un réformisme de gauche« .

 

Le 49-3, qu’est-ce que c’est ?

Elle est considérée comme « l’arme ultime » du gouvernement. L’article 49, alinéa 3 de la Constitution permet au Premier ministre d’engager sa responsabilité sur un texte de loi. Le projet est alors considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l’Assemblée nationale. Si cela arrive, le gouvernement doit alors démissionner. L’article 49-3 ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire, ou une fois par an seulement sur un autre texte, après délibération du Conseil des ministres, ce qui avait été le cas en début d’année dernière pour la loi Macron.

Minoritaire à l’Assemblée, Michel Rocard (1988-1991) y avait eu recours plusieurs fois. Sous la Ve République, avant que le gouvernement Valls ne l’utilise, le 49-3 avait été utilisé 83 fois, indique le site de l’Assemblée, dont 51 par la gauche et 32 par la droite. Un décompte qui ne fait pas la distinction entre son usage « classique », pour engager la responsabilité du gouvernement sur son budget, et « exceptionnel », pour passer une loi en force. Avant la loi Macron, le dernier recours « en force » datait de 2006, lorsque Dominique de Villepin avait fait passer le projet de loi « Egalité des chances » instaurant le fameux Contrat première embauche (CPE). Alain Juppé y a aussi eu recours en 1995, dans le cadre du changement de statut de France Télécom.

 

 

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