Laïcité à l'école : la jupe longue va-t-elle devenir le nouveau voile ?

Une adolescente de 16 ans s’est vu refuser ce mardi l’accès à son lycée en Seine-et-Marne car elle portait… une jupe trop longue. Une situation qui s’était déjà produite avec un groupe de collégiennes l’an dernier. Autant de décisions controversées qui posent la question de l’interprétation de la loi de 2004, et de ses éventuels détournements.

« Une robe longue n’est pas un motif d’exclusion« . L’académie de Créteil le rappelle, nul ne peut être exclu d’un établissement scolaire pour un excès de tissu porté ailleurs que sur la tête. Pourtant ce mardi 3 mai, une élève du lycée Flora Tristan à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne) s’est vu refuser l’entrée dans son lycée par la proviseure. La raison ? Elle portait une jupe longue qui, d’après la cheffe d’établissement, constituait un « signe ostentatoire religieux« . A la mère de l’adolescente, il a d’ailleurs été expliqué, rapporte L’Obs, que « porter des robes longues dans un établissement public et laïc n’est pas tolérable, c’est un signe religieux« .

Pour justifier une telle mesure, l’équipe éducative dit agir au nom de la laïcité. En se référant à la loi du 15 mars 2004 et à sa circulaire du 18 mai suivant. Que disent ces textes exactement ? La loi tout d’abord : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit« . La circulaire, elle, précise les éléments interdits – « le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive » – tout en laissant la voie libre à l’interprétation d’autres signes : « (La loi) n’interdit pas les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse. En revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement« .

« Juger du caractère prosélyte ou pas, non pas de la tenue, mais de l’attitude de l’élève »

La législation laisse donc de la place à l’interprétation afin d’éviter qu’une fois le voile, la kippa ou la croix retirés, d’autres tenues ne soient utilisées par les élèves pour revendiquer, de manière détournée mais ostensible, leur appartenance religieuse. C’est ce qu’il s’était passé en avril 2015 dans un collège de Charleville-Mézières, où une élève avait été interdite de cours à deux reprises pour avoir porté une longue jupe noire. Il était apparu qu’avec elle, un groupe de jeunes filles du collège auxquelles ont avait demandé de retirer leur voile s’étaient entendues pour faire de cette jupe longue le signe supplétif de leur appartenance religieuse.

Interrogée sur cette affaire, la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem avait soutenu sur RTL (voir ci-dessous) la décision de l’établissement de refuser à l’élève l’accès aux cours. Rappelant qu’en soi, « aucune élève ne peut être exclue en raison de la longueur de sa jupe« , elle avait expliqué : « L’équipe pédagogique a fait preuve du discernement qu’on attend d’elle pour juger du caractère prosélyte ou pas, non pas de la tenue, mais de l’attitude de l’élève ». Avant de préciser : « Ce n’est pas une exclusion mais un dialogue qui a été ouvert« . La loi interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école prévoit en effet que « la mise en œuvre d’une mesure disciplinaire [soit] précédée d’un dialogue avec l’élève« . Il semblerait qu’en l’espèce, la discussion avait porté ses fruits puisque la mère de l’adolescente avait finalement déclaré que sa fille se plierait aux décisions du collège.

L’interprétation de ces cas n’en reste pas moins délicate. Dans l’affaire de Charleville-Mézières, le rectorat de Reims l’avait ainsi résumé : « Il est parfois difficile de distinguer simplement ce qui relève du port ostentatoire de signes religieux, de la provocation ou de la tentation d’éprouver les limites des règles communes« . La suite en début de semaine prochaine, puisque l’Académie de Créteil a indiqué à L’Obs que la jeune fille de Montereau-Fault-Yonne « n’a en aucun cas été exclue de l’établissement » : « Elle a été convoquée, cela n’a pas été d’une absolue sérénité, mais un dialogue a eu lieu avec la famille et qui va être poursuivi lundi et qui sera maintenu« .

 

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