Depuis l’appel « Pour une primaire à gauche » lancé début janvier, la mécanique s’est grippée, en grande partie sapée par la direction socialiste. Tandis que certains tentent de contourner l’obstacle, une nouvelle bataille s’annonce : celle, interne au PS, pour une primaire du parti… Analyse.
La grande primaire à gauche, cette parenthèse désenchantée… Si beaucoup se refusent encore à l’admettre, le constat est bien là : depuis l’appel « Pour une primaire à gauche » lancé le 11 janvier dans les colonnes de Libération, la mécanique s’est grippée. Trois mois plus tard, même ses initiateurs n’y croient plus. Le 5 avril, dans un entretien accordé au Monde, Daniel Cohn–Bendit lui faisait déjà la peau : « Mon intime conviction (…) est que la primaire à gauche n’est plus possible ». Seul l’économiste Thomas Piketty semble encore y croire.
Et c’est du côté du Parti socialiste qu’il faut chercher la raison de cet échec annoncé. Julien Dray, proche de François Hollande et Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, en avaient identifié le point faible dès le départ : son périmètre politique. En voulant impulser le rassemblement le plus large possible à gauche, les initiateurs de la primaire n’en ont pas suffisamment dessiné les limites. Résultat, les stratèges solfériniens s’en sont donnés à cœur joie…
« Jean-Christophe Cambadélis a été suffisamment malin pour se mettre dedans afin d’en bloquer le mécanisme même, qui était de créer une alternative à la politique gouvernementale en vue de 2017″, analyse aujourd’hui Julien Bayou, porte-parole d’EELV et partisan de la primaire. Elliot Lepers, web-activiste qui a lancé avec la militante Caroline de Haas et d’autres le site primairedegauche.fr, renchérit : « L’espoir qui existait de l’organiser a été douché par le bulldozer PS ». Cambadélis, ancien lambertiste de l’OCI, n’a en effet pas oublié la bonne vielle stratégie de l’entrisme. En acceptant que le PS joue le jeu de la primaire à la seule condition que tous les candidats – dont François Hollande s’il le souhaite – puissent se présenter, il a exploité sans mal la contradiction profonde de la primaire imaginée par les anti-Hollande : faire émerger une alternative au président sortant sans oser dire que celui-ci était persona non grata, par peur de se couper totalement du camp socialiste.
Une erreur que reconnait aujourd’hui Elliot Lepers. L’objectif que s’était fixé le site « Notre primaire »- réunir des fonds et agréger des soutiens pour désigner le candidat de la gauche pour 2017 – est de son propre aveu dans « l’impasse ». « On est revenu dans le merdier à cause du PS. Ne pas exclure d’emblée le PS était peut-être un cap nécessaire, notamment pour ne pas refroidir les frondeurs, on nous aurait accusés de faire capoter la primaire », justifie-t-il. « Mais avec la loi travail, ce n’est pas comme si nous étions dans une phase de déprime parce que notre bébé est en train de se casser la gueule », veut-il néanmoins relativiser. Et si la primaire tourne à vide, « le fond reste le même, nous sommes sur le bon sujet : rassembler, fédérer ceux qui ne veulent plus aller aux urnes pour un vote utile en faveur de Hollande, veut-il encore croire. On n’a peut être pas besoin de primaire pour se mettre d’accord et constituer une équipe pour 2017« .
La primaire ayant définitivement du plomb dans l’aile, d’autres initiatives tentent de la dépasser. Ce dimanche 1er mai, des écologistes, communistes, socialistes, syndicalistes, intellectuels et associatifs ont ainsi lancé « l’appel des 100 » pour constituer « un corpus de propositions de mesures d’urgences » en vue de la présidentielle et des législatives de 2017. Un appel pouvant servir de porte de sortie à l’imbroglio de la primaire, veut croire Marie-Pierre Vieu, élue communiste et membre du comité de pilotage de l’appel :
« La primaire a généré un souffle dans le débat public sur la nécessité du rassemblement. Les choses se sont ensuite compliquées. Bien. Il faut maintenant repartir sur un débat de fond nouveau, bien plus essentiel que le simple choix d’un candidat pour la présidentielle. Il faut élaborer les mesures qui à gauche nous paraissent urgentes, prioritaires car après la présidentielle, il y a surtout les législatives. C’est à ce moment que nous pourrons créer cette majorité alternative. C’est l’après 2017 qu’il faut dès à présent envisager. »
Reste qu’on a beau tourner et retourner l’affaire dans tous les sens, dans une Vème république ultra-présidentialisée depuis la mise en place du quinquennat, la présidentielle est devenue l’élection reine qui dicte toutes les autres. Et penser à un contrat de majorité pour les législatives en faisant l’impasse de la présidentielle semble relever d’une mission presque impossible.
Paradoxalement, c’est peut-être au PS que se dénouera ce casse-tête. Si Jean-Christophe Cambadélis peut se féliciter d’avoir mis un sacré bazar dans la tentative d’une primaire de la gauche et des écologistes, les réjouissances risquent d’être de courte durée. Car dans les statuts du parti, le PS ne peut théoriquement pas échapper à une autre primaire. Celle des socialistes, cette fois, pour départager les prétendants à l’élection présidentielle. La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann a d’ailleurs déjà annoncé : « S’il y en a, je suis prête à être candidate ».
Car à la différence des statuts du parti LR, qui précisent qu’« il n’est pas organisé de primaire lorsque le président de la République est issu du Mouvement et candidat pour un second mandat » (article 38), rien de tel n’est prévu dans ceux du PS. François Hollande devrait donc se plier à l’exercice quoi qu’il arrive, sauf si « Jean-Christophe Cambadélis fait voter en Conseil national (sorte de parlement du parti) une motion qui pose le principe que Hollande est notre candidat légitime », nous faisait remarquer, un brin fataliste, un partisan de la primaire il y a peu.
Guillaume Balas, député européen socialiste, ne voit pas les choses de cette manière. « S’il n’y a pas de primaire des socialistes, cela veut dire que la direction du PS rompt le contrat politique qu’il y a entre nous. La primaire, c’est une ligne rouge. Comment réunifier les socialistes ? Il faut faire jouer la démocratie, retourner vers le peuple. Si on nous impose un candidat de manière bureaucratique, il y aura des conséquences lourdes », prévient ce proche de Benoît Hamon. Comme un départ du PS par exemple… Si Jean-Christophe Cambadélis a réussi à se débarasser de la primaire de la gauche en faisant semblant de jouer le jeu, un retour de bâton n’est pas exclu.
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