Lors de la législative partielle visant à remplacer Xavier Bertrand, la candidate de gauche a été éliminée au premier tour et le FN a progressé de 30 % au second. Transfert des voix de gauche ? Explications.
La socialiste Anne Ferreira a paru soulagée quand nous lui avons annoncé les résultats de notre enquête. Non, les électeurs de la deuxième circonscription de l’Aisne qui ont permis à la candidate FN d’augmenter le nombre de ses voix de 30% entre les deux tours de l’élection législative partielle ne sont pas ceux qui ont voté pour elle au premier tour. L’objet de l’enquête paraît étrange, mais il est en réalité d’une importance capitale. Qui sont ces électeurs qui permettent au FN de progresser ainsi ? Comment se comporte l’électorat de gauche ? Accepte-t-il de voter pour le candidat de droite, comme les partis le lui demandent ? La réponse agite les états-majors politiques, et particulièrement celui du FN.
Un remake des régionales dans le NordLe 13 mars dernier, Anne Ferreira était la candidate socialiste dans cette partielle destinée à pourvoir le siège abandonné par Xavier Bertrand (LR), devenu président de la région des Hauts-de-France. Elle a été battue dès le premier tour, distancée par Sylvie Saillard-Meunier (FN), arrivée en deuxième position derrière Julien Dive (LR). Pour elle, ce fut un triste remake des élections régionales dans le Nord, où la liste socialiste avait dû disparaître au second tour pour rallier Xavier Bertrand (LR) et empêcher une victoire de Marine Le Pen.
Deux jours après le second tour, Guillaume Tabard, l’éditorialiste politique du Figaro, expliquait doctement que « près d’un tiers des électeurs de gauche du premier tour ont voté FN au second ». Le réflexe est bien ancré à droite : expliquer que les nouveaux bataillons du FN sont des électeurs déçus de la gauche lui permet de ne pas s’interroger sur la radicalisation de ses propres troupes tentées par le FN. Et surtout de se persuader qu’au second tour de la présidentielle de 2017 leur candidat affrontera Marine Le Pen après l’élimination du candidat de gauche dès le premier.
Pour y voir clair, Marianne a consulté les listes d’émargement des premier et second tours de la partielle de l’Aisne. Nous avons été surpris de voir à quel point l’évidence saute aux yeux. Nous avons épluché les émargements des bureaux les plus importants de la circonscription, à Gauchy et à Saint-Quentin. A quelques rares exceptions près, les électeurs supplémentaires du second tour n’avaient pas voté au premier, alors qu’une part importante des électeurs du premier tour ne sont pas revenus au second. Plus spectaculaire encore, le nombre de nouveaux électeurs est équivalent à celui des nouveaux abstentionnistes, ce qui explique la faible progression du taux de participation d’un tour à l’autre (moins de 1%). En outre, une conclusion s’impose, au vu de la progression très importante du score du FN : les électeurs de gauche ont boudé les consignes des partis de gauche leur demandant d’aller voter pour le candidat de droite, quand ceux du FN se sont fortement mobilisés.
« Je regrette de ne pas avoir reçu le moindre coup de fil du patron du PS, qui explique que ce n’est pas si grave d’avoir perdu trois partielles », s’épanche Anne Ferreira. Elle ajoute : « L’abstention à gauche est stupéfiante, les gens ne regardent même plus nos propositions. Ils sont comme dans une relation amoureuse et nous disent : ‘Tu m’as déçu, je ne veux plus te voir.' » La reconquête d’ici à 2017, en vue de la présidentielle puis des législatives, s’annonce difficile. Pour ne pas dire impossible. Et si la partielle de l’Aisne était le laboratoire des prochaines échéances électorales ?
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