A Collioure, des dirigeants de PME se sont essayés à l’entraînement commando. L’occasion, entre deux plongées, de les sonder sur la loi El Khomri, loin des oukases du Medef.
Ils ont le sourire, mais se demandent à quelle sauce ils vont être mangés. Le jour est levé depuis un moment, gris, sur la baie que domine le fort de Collioure, dans les Pyrénées-Atlantiques. Une citadelle Vauban comme les militaires les adorent, pleine de murailles, de fossés, de souterrains dans lesquels on peut installer à loisir câbles, poutres métalliques et autres gouttières d’escalade. Au Centre national d’entraînement commando, une dizaine de petits patrons dépêchés par le Medef sont venus s’essayer aux joies de la tyrolienne, version G.I Joe : soixante mètres de descente au-dessus des vagues qui se fracassent sur les rochers.
« Oui, j’étais chef d’entreprise. Mais ça c’était avant, parce que là je vais me noyer », plaisante Hervé Isle de Beauchaine, fondateur des luminaires Hisle, une PME de la région lyonnaise. Le parcours nautique que ce designer s’apprête à effectuer est une suite de réjouissances savamment pensée. On se lance – de préférence sans réfléchir – dans une eau encore fraîche en ce mois d’avril avant d’enchaîner les franchissements, à la corde ou en apnée. « 96 mètres de bonheur, mieux qu’une maîtresse ! » annonce le lieutenant Jérôme, l’instructeur en chef, qui répond en tous points aux critères imposés par le cahier des charges du « leader-charismatique-que-ses-hommes-suivront-partout » : visage émacié, agilité surhumaine. Et langage fleuri : « Le pont de singe, ça bouge un peu, c’est un peu long, mais quand ça bouge et que c’est long, c’est qu’on est bien. »
Objectif de cette sortie organisée par le ministère de la Défense ? Rapprocher les militaires qui s’apprêtent à rejoindre la vie civile des entreprises susceptibles, demain, de les embaucher. Antony Streicher, dirigeant d’HA+PME, une centrale d’achats qui emploie dix-huit salariés à Toussus-le-Noble, en est à sa deuxième session : « C’est un bon moyen de casser les codes. Les gens ont souvent une image biaisée du patron – rentabilité, dividendes… – et du bidasse, relégué au rang de robot qui exécute sans réfléchir. Moi, je vois surtout des points communs entre nos univers: on travaille dans un environnement complexe et hostile, où l’erreur n’est pas permise. »
Alors que ce petit monde s’ébroue en treillis, on manifeste un peu partout contre la loi El Kohmri. « Honnêtement, je ne sais pas trop ce qu’il y a dedans, reconnaît Alexandre Giraud, directeur associé de Murano Conseil à Boulogne-Billancourt. Mais ce qui est sûr, c’est que je ne souscris pas à l’argument selon lequel la rigidité du CDI ferait peur à l’employeur et freinerait les embauches. Pour motiver les gens, il faut leur donner des perspectives, les sécuriser. Et puis, franchement, si vous licenciez quelqu’un au bout d’un an ou deux, ça ne coûte pas grand-chose. » Pas très Medef tout ça… Entre deux escalades, David Rivoire, président du cabinet parisien VAE Les 2 Rives, en rajoute une louche : « Ce qui fait descendre les chômeurs et les lycéens dans la rue, ce sont les abus des grands groupes. Et nous, les PME, on le paie cher derrière en matière d’image… »
Sur le plafonnement des indemnités prudhommales, en revanche, tout le monde est d’accord: « Quand tu as dix salariés et que tu dois verser l’équivalent de 10% de ton budget, cela met ta boîte et tes employés en danger. Quand tu en as mille ça passe mieux » continue david Rivoire. Ces problèmes quotidiens, pas sûr que les boss du MEDEF en aient une idée très claire: « Geoffroy Roux de Bézieux (ndlr, le vice président du Medef), il est sympa » rigole Anthony Streicher, « mais The Phone House et Virgin Mobile, c’était des gros trucs. Aujourd’hui, comme il a monté une petite boîte qui fait de l’huile d’olive, l’autre jour en réunion il s’est mis à nous parler de ses difficultés, on lui a dit « Bienvenue au club », retour à la réalité! »
Transmis au martial Gattaz.
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