Dans un nouvel ouvrage paru mondialement et dont Marianne publie des extraits en exclusivité, l’ancien ministre grec des Finances interpelle les Européens. Il critique notamment le fonctionnement de la zone euro et conteste la proposition du ministre allemand des Finances, Wolfang Schäuble, de créer un « ministre des Finances » et un « Parlement de la zone euro ». Le message de Yanis Varoufakis est clair : pas de démocratie sans souveraineté !
“Un parlement est souverain, même s’il n’est pas particulièrement puissant, quand il peut démettre de ses fonctions l’exécutif, pour s’être mal acquitté des tâches qui lui étaient assignées dans les limites du pouvoir, quel qu’il soit, que possèdent cet exécutif et ce parlement. Rien de tel n’existe aujourd’hui dans la zone euro.
Si les membres du Conseil européen et de l’Eurogroupe sont des élus, responsables, en théorie, devant leurs parlements nationaux respectifs, le Conseil et l’Eurogroupe eux-mêmes ne sont responsables devant aucun parlement, ni d’ailleurs devant aucune instance politique quelle qu’elle soit. De plus, l’Eurogroupe, où sont prises toutes les décisions économiques importantes, est un organisme qui n’existe même pas en droit européen, qui agit sur la base du principe «les forts font ce qui leur plaît et les faibles subissent ce qu’ils doivent», qui ne conserve aucun compte rendu de ses travaux et dont la seule règle est que ses délibérations sont confidentielles – c’est-à-dire non communicables aux citoyens européens. C’est un cadre conçu pour exclure toute souveraineté qui pourrait émaner du peuple d’Europe. […]
Hauts fonctionnaires de Bruxelles, dirigeants allemands et français, agents de la BCE, tous attendent des représentants des petits Etats membres qu’ils suivent strictement la ligne
«Il est clair qu’il n’y a aucune place pour de petits pays souverains dans la mondialisation», m’a dit un autre ministre des Finances pendant une pause d’une réunion de l’Eurogroupe. «L’Islande ne pourra jamais être vraiment souveraine», a-t-il conclu, satisfait d’avoir marqué un point. Mais l’argument était inconsistant. Prétendre que la souveraineté de l’Islande est illusoire parce qu’elle est trop petite pour avoir beaucoup de pouvoir, c’est comme soutenir qu’un citoyen pauvre dont l’influence politique est à peu près nulle pourrait aussi bien renoncer au droit de vote. Pour le dire un peu différemment, les petites nations souveraines comme l’Islande ont des choix à faire dans le cadre des contraintes générales que leur fixent la nature et le reste de l’humanité. Si limités que puissent être ces choix, le corps politique islandais conserve une autorité absolue pour demander des comptes à ses dirigeants élus sur les décisions qu’ils ont prises en fonction des contraintes exogènes du pays, et pour abroger toute législation qu’il a votée dans le passé. […]
Avec la crise de l’euro, ce vide au cœur de l’Europe s’est élargi horriblement. Hauts fonctionnaires de Bruxelles, dirigeants allemands et français, agents de la Banque centrale européenne, tous attendent des représentants des petits Etats membres qu’ils suivent strictement la ligne, comme on attendait des délégués des soviets qu’ils lèvent leur carte aux réunions du comité central du Parti communiste de l’Union soviétique. Après quoi, de retour chez nous, nous sommes censés expliquer à notre parlement national que nous n’étions pas d’accord avec la décision de l’Eurogroupe ou du Conseil mais que nous avons été trop «responsables» pour lui résister.”
>> Et les faibles subissent ce qu’ils doivent ? Comment l’Europe de l’austérité menace la stabilité du monde, de Yanis Varoufakis, Les liens qui libèrent, 450 p., 24 €.
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