Benoît Séverac est en colère. Il le dit et l’écrit. Longtemps il y a vécu tranquille dans la cité des Izards à Toulouse, son quartier. Puis, quelque chose a changé et sa colère est montée. « Mon quartier a finalement gagné ses lettres de noblesse le jour où un de ses jeunes a décidé que le crime de petite envergure ne suffisait pas et qu’il était temps d’inventer l’islamisme radical, version scooter et caméra GoPro » écrit-il en préambule à son dernier roman. Car c’est aux Izards qu’est né Mohamed Merah.
Benoît Séverac est un drôle de visionnaire. Avant même d’enquêter sur les apprentis terroristes, il a compris les liens qui étaient en train de se nouer entre les dealers de son quartier et les islamistes. Sans vraiment connaître les ruses des passeurs de coke, il a en outre imaginé que les dealers transformeraient un jour des rottweilers en « mules » pour échapper à la surveillance des douaniers, à l’instar des « mules » humaines qui avalent des capsules de drogue avant de prendre un avion pour les « recracher » une fois arrivées à destination. « Il y a quelques jours, j’ai eu la surprise de lire un entrefilet dans La Dépêche du Midi qui racontait qu’un chien décapité et éviscéré avait été retrouvé dans un terrain vague, s’étonne-t-il. J’ai peut-être donné des idées aux dealers… ». De tout cela, il a fait la trame de son dernier roman.
Dans Le Chien arabe, tout se passe entre un cabinet vétérinaire tenu par une jeune véto, Sergine, jeune blonde de 1,85 mètre qui a pratiqué le rugby et les barres d’immeuble contrôlées de main de fer par les voyous, avec leurs appartements réquisitionnés pour servir de planque à la drogue, avec ses caves où sont entreposés les chiens-mules. « Je n’ai pas choisi le personnage de Sergine par hasard, explique-t-il. Comme les instits ou les médecins, les vétérinaires étaient jadis les Hussards de la République. » Poussée par la révolte des traitements réservés à ces chiens-dealers, révoltée par la condition faite aux jeunes filles qui vivent sous la coupe de leurs frères, plus racailles encore qu’islamistes, elle enquêtera jusqu’à faire exploser le système mafieux qui gangrène les Izards. Le combat d’un hussard…
Le Chien arabe n’est pas un polar politique, Benoît Séverac l’affirme : « La politique, c’est pas mon boulot. Pour moi, elle est un outil pour mieux raconter une histoire, explique-t-il, pour nouer une relation de proximité avec mes lecteurs. » Il n’empêche. Il raconte des histoires de flics des stups qui ferment les yeux sur les trafics de drogue pour obtenir en échange de leur cécité des informations sur les barbus. Il raconte aussi comment les djiahadistes et leur « émir » local détournent le trafic de drogue pour financer la mise en œuvre de leurs attentats. Il raconte comment des dealers glissent vers l’islam radical non pas sous l’effet d’une révélation divine mais pour mieux asseoir leur pouvoir économique mafieux. Toute ressemblance avec des situations réelles et récentes serait purement fortuite.
Le Chien arabe de Benoît Séverac. la manufacture des livres. 18,90 euros
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