"True crime" : quand le crime fait la Une

Le criminologue Alain Bauer a participé à la série de livres « True Crime », qui rassemble les approches et les contributions d’un collectif inédit, celui des faits-diversiers français. Pour lui, « si vous supprimez le fait divers de la littérature, du théâtre, de l’opéra, du cinéma, il ne va pas rester grand chose. »

Marianne : Quelle place occupent, selon vous, les faits divers dans l’imaginaire contemporain ?

Alain Bauer : Si vous supprimez le fait divers de la littérature, du théâtre, de l’opéra, du cinéma, il ne va pas rester grand chose. Le meurtre, le vol, l’envie, la violence, constituent de puissants ressorts tragiques (et parfois tragicomiques). De l’antiquité à nos jours, on ne saurait fabriquer un vrai journal sans le fait divers. La presse populaire a construit son succès sur ses unes tragiques. Et la presse régionale fournit l’essentiel de sa survie et de sa résistance grâce aux mêmes informations.

Les grands journaux « sérieux » s’en sont peu à peu préoccupés et la presse économique a tardivement découvert l’existence de la criminalité financière. La télévision a construit d’étonnantes séries basées sur le travail des écrivains des séries noires et le fait divers sert autant au divertissement qu’au développement des petites cellules grises chères à Poirot, Holmes ou plus récemment Murdoch

True crime est il né du vœu de réinscrire le travail des faits-diversiers au cœur de notre culture ?

En fait, il s’agissait surtout pour Frédéric Ploquin et pour moi, accompagnés de nos autres contributeurs  de réinvestir culturellement le fait divers en le remettant en perspective, en le sortant de la simple page fait divers pour le recaler dans l’espace des faits majeurs ou essentiels. On avait déjà un dictionnaire amoureux du crime et un dictionnaire amoureux des faits divers dans la prestigieuse collection. On poursuit ce chemin.

La presse française ne gagnerait-elle pas à renouer avec son culte, bien oublié, du fait divers ?

Sans doute. Mais il faudrait alors, comme Marianne ou Le Figaro, remettre des plumes à la tâche. Hélas elles se perdent ou se détachent lentement de la presse traditionnelle. Et investissent massivement radios et télévisions, internet et réseaux sociaux. TRUE Crime est la tentative attendue d’un espace revisité entre revue et livre, qui pourrait permettre de passer de quelques lignes d’une brève à quelques pages de mise en perspective, en ne perdant pas le rythme de l’écriture mais en complétant par la connaissance des phénomènes, notamment des prototypes pour ce premier numéro.

Que doit votre discipline – la criminologie – à l’approche des faits-diversiers, faite de souci du détail et d’attachement à la vérité ?

Sans le fait divers, notamment ancien, on ne saurait pas grand-chose des raisons pour lesquelles le crime a tant fait évoluer le droit et la réponse sociale. Sans faits diversiers, on n’aurait plus de sources, peu d’éléments de contexte. Il faut des Hugo, des Balzac, des Verne, pour comprendre la force du drame et de la tragédie. En feuilletons, en journaux, en revues, en livres, en pièces, en films, en réalité virtuelle. Pour apprendre, pour comprendre, pour prévenir.

* Alain Bauer est professeur de criminologie au CNAM, à New York, Beijing et Shanghai.  

 

Voici le livre – ou plutôt : le début d’une série de livres – que tant de lecteurs de Marianne attendaient : un livre, True Crime*, qui rassemble les approches et contributions d’un collectif inédit, celui des faits-diversiers français. Ils sont célèbres et écoutés. Dans la presse écrite ou sur les plateaux de télé, ces sont des auxiliaires indispensables de la machine à informer.

Et pour cause : de Frédérique Lantieri (France 2), à Dominique Rizet (BFMTV), de Stéphane Bourgoin (CNN) au commissaire et historien de la police Charles Diaz, ces fins limiers, réunis par notre collaborateur Frédéric Ploquin, responsable des pages Police-Justice de Marianne, nous rendent plus intelligents : ils nous aident à comprendre la trame invisible de notre présent Les voilà chargés d’un rude mandat : montrer que les faits divers, loin d’être des objets anecdotiques voire marginaux (les « chiens écrasés »), détiennent souvent la clé de notre actualité.

Dans ce volume 1, consacré aux « prototypes », neuf auteurs racontent l’histoire de ceux qui ont tiré les premiers. Du tueur de vieilles dames Thierry Paulin (1987) aux voyous qui enlevèrent le Baron Empain à Paris (1978), en passant par le premier tueur en série (1755), la première vitrioleuse (1877) et le premier gang moderne (1946), ils racontent ceux qui ont inventé dans le crime, donnant lieu par la suite à la perpétuation de clones plus ou moins réussis. Parce que le crime a ses modèles, dans le réel comme dans la fiction. 

* True Crime. Volume 1 : Les prototypes. Editions Ring. 18 €. En librairie le 31 mars 2016.  

 

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply