Décès d'Alain Decaux : la caméra déplore le temps

L’historien Alain Decaux, de l’Académie Française, s’en est allé rejoindre ce jour tant d’autres immortels. Fidèle dans ses convictions comme dans son amitié, il avait été l’un des premiers à soutenir la création de « Marianne » en 1997. Hommage.

Au « hasard de l’Histoire », tu es parti un jour de Pâques. Tu l’aimais ce jeu créé avec ton ami André Castelot. Des deniers aux francs en passant par les lettres de cachet et le vote sur la mort de Louis XVI… l’enfant que j’étais testait avec gourmandise ce qui deviendrait une passion.

Tu vois Alain, le savoir, ton savoir se transmet. Pas à ton échelle bien sûr. Mais l’Histoire perdure et tu la quittes à l’un de ses méandres majeurs. Début de printemps. Comme en 1981 lorsque ce soir de mai nous étions avec Jean-François Kahn à la brasserie Boffinger, place de la Bastille, pour célébrer un temps nouveau. Il faisait orage. Comme ce soir, ton ultime coup de canon à ce siècle qui boude la chronologie et le savoir.

Mais rien n’est vain et ton enthousiasme s’est propagé. Ton humour, aussi. Toujours le printemps. 1997, cette fois. Un journal voit le jour et nul n’y croit, hormis une poignée d’hurluberlus. « Marianne, ça s’est un titre ! Kahn a toujours eu le sens des titres ». L’Histoire adoubait l’actualité.

Rien n’était plus apaisant que tes conseils dans les moments de doutes. Ta voix parfois emphatique, comme lors de tes joutes télévisuelles dans la « Caméra », donnait ce coup de fouet qui manqua à la berline de Varenne.

Si tu savais tout ce que l’on te doit… tu hausserais les épaules et passerais à autre chose. Ennemi des remerciements (encore un point commun avec JFK), tu détestais l’inexactitude. Mais tu savais mieux que tous transcender le passé dans une langue présente mais choisie. L’habit vert t’allait comme un gant. Et ce regard friand derrière tes grosses binocles d’étudiant confondait les générations. Printemps 2016, auras-tu au moins goûté les premières asperges ? Elles n’auront plus la même saveur désormais. « Le temps passe, le souvenir reste », s’amusait-on à lire lorsque nous visitions les cimetières. Putain de temps.  

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