Hé toi, la femme qui bosse, ça t'amuse de creuser le chômage ?

Dans un article intitulé « Construire des crèches nuit-il au plein-emploi ? », « Le Figaro » tient ce raisonnement : si les femmes avaient moins de solutions pour faire garder les enfants, elles travailleraient moins à temps plein donc il y aurait plus de travail pour tout le monde. Garanti sans sexisme…

Femmes qui bossent, chômage au tournant. C’est grosso modo l’idée que développe Le Figaro dans un article passé plutôt inaperçu depuis qu’il a été mis en ligne jeudi soir dernier. Dommage, car il est précieux d’enseignements pour nos politiques s’évertuant en vain à lutter contre le chômage de masse qui mine notre pays. Ou pas…

Dès le titre, le quotidien nous indique où il faut chercher l’origine du mal français, en posant cette question : « Construire des crèches nuit-il au plein-emploi ?«  Derrière cet apparent kamoulox se cache en fait une équation mathématique que le journal conseille manifestement à tout bon ministre du Travail d’inscrire au frontispice de son maroquin :

Construire des crèches = permettre aux femmes de travailler à plein temps = laisser plus de monde au chômage.

Et Le Figaro de développer en ces termes, sous la plume d’Anne de Guigné : “En France, le taux d’emploi féminin à taux plein s’élève à 43%, contre 37% en moyenne chez nos voisins européens”. A priori, c’est une victoire pour l’égalité au travail… Mais non, assène la journaliste, qui pense que c’est « un retard”, un « décrochage”, même ! Car selon elle, si les femmes occupaient moins de postes à temps plein, il y aurait plus de jobs pour tout le monde. Et si elle se permettent de squatter autant de pleins temps, c’est en raison des « politiques familiales françaises«  qui leur permettent de laisser leurs rejetons toute la journée à la crèche ou à l’école. Résultat imparable : puisque les femmes françaises se sont mises à travailler autant que les hommes, les Français dans leur ensemble « travaillent moins que leurs voisins”. CQFD.

Pour écrire  ̶c̶e̶ ̶t̶r̶a̶c̶t̶ ̶p̶r̶o̶-̶f̶e̶m̶m̶e̶s̶ ̶à̶ ̶l̶a̶ ̶m̶a̶i̶s̶o̶n̶ cet article, Le Figaro s’appuie sur une étude de France stratégie, l’organisme chargé par Matignon de la prospection économique. L’Etat aurait-il décidé que l’avenir, c’est de renvoyer les femmes à leur progéniture ? Pas du tout : le ton de l’étude est loin de celui adopté par le journal. C’est même tout le contraire… Comme Le Figaro, France stratégie essaie de comprendre pourquoi la France utilise moins le temps partiel que ses voisins. Mais d’emblée, les auteurs de l’étude précisent ceci : « L’analyse montre que le déficit d’emplois à temps partiel en France est à relativiser, d’abord parce qu’il est en partie compensé par le fait que les femmes d’âge médian travaillent davantage à temps plein”. Ce qui, oui, est une bonne nouvelle pour l’égalité femmes-hommes.

Car comme le rappelle France stratégie, qui dit « temps partiel » dit bien souvent « subi », surtout pour les femmes. Or, qu’il soit « subi ou choisi, le travail à temps partiel demeure un des facteurs d’inégalités persistantes entre les femmes et les hommes dans la sphère privée comme dans la sphère professionnelle », rappelle encore l’étude. En effet, « occuper un poste à temps partiel reste pénalisant en matière de salaire, de sécurité de l’emploi, de formation et de promotion”… Et France stratégie de conclure en relativisant les bénéficies potentiels d’un recours plus important aux temps partiels : « Il ne faut pas surestimer le potentiel de développement de l’emploi à temps partiel”. Mais cette partie-là, Le Figaro l’a opportunément zappée.

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