Le scandale de la remise, par François Hollande en catimini, de la Légion d’honneur au prince héritier d’Arabie saoudite, fait écho aux polémiques créées par la décoration d’Omar Bongo par Nicolas Sarkozy ou de Vladimir Poutine par Jacques Chirac. Mais pourquoi, à chaque fois, ces distinctions secrètes sont-elles révélées par la presse étrangère ? Explications.
Une “tradition diplomatique”. C’est en ces termes que le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a justifié ce lundi 7 mars la remise, vendredi par François Hollande, de la Légion d’honneur au prince héritier et ministre saoudien de l’Intérieur, Mohammed ben Nayef.
“Je pourrais vous en citer plein, de Légions d’honneur qui ont été données ou de décorations qui ont été reçues par la France…”, a encore développé l’ancien Premier ministre. Cynique, la réponse n’en est pas moins… exacte. Si seuls les citoyens français peuvent être admis dans l’ordre, le code de la Légion d’honneur prévoit néanmoins que les étrangers “peuvent être distingués » (mais sans devenir pour autant membres de l’ordre).
Deux cas sont prévus, précise le site de la Grande chancellerie. Les étrangers récompensés peuvent avoir “rendu des services (culturels, économiques…) à la France ou encouragé des causes qu’elle défend (défense des droits de l’Homme, liberté de la presse, causes humanitaires…)”. Le cas le plus récent étant celui des trois héros américains du Thalys, distingués par François Hollande en août dernier. La deuxième raison, c’est celle invoquée pour le prince saoudien : “Les visites d’Etat sont également l’occasion d’attributions de la Légion d’honneur aux personnalités officielles, faites au titre de la réciprocité diplomatique et soutenant ainsi la politique étrangère de la France”.
Dans le cas d’une Légion d’honneur “diplomatique”, la loi est bien faite pour les cyniques : contrairement aux fournées de citoyens français décorés qui sont annoncées par décret au Journal officiel, aucune publication n’est prévue pour les étrangers. Et la cérémonie de remise d’insigne non plus n’est pas obligatoire. A noter au passage que seul le ministre des Affaires étrangères est habilité à soumettre pour ces cas des dossiers de nomination et promotion… Ce qui signifie que le nom de Mohammed ben Nayef a été proposé par Laurent Fabius ou Jean-Marc Ayrault.
Ces dispositions particulières expliquent donc comment des chefs d’Etat plus ou moins recommandables, voire des dictateurs, peuvent recevoir le précieux ruban à l’abri des regards. Mais aussi pourquoi chaque polémique de ce type est révélée… par la presse étrangère. Car si la France se garde bien de faire fuiter l’affaire, les épinglés, eux, s’empressent de s’en vanter de retour au pays !
Ainsi en 2006, la décoration discrète de Vladimir Poutine par Jacques Chirac n’avait été révélée que parce que le président russe avait pris soin d’inviter des caméras pour tourner des images de la scène, ensuite largement diffusées au pays. De même en 2010, c’est le quotidien Gabon Matin qui avait dévoilé la photo de la remise du ruban par Nicolas Sarkozy à Omar Bongo. Cette fois encore, c’est l’agence de presse saoudienne SPA qui a signalé que la visite du prince avait été l’occasion de se faire épingler. Si on ne peut plus compter sur la discrétion des amis dictateurs…
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