La lecture des conclusions du Conseil européen du 18 et 19 février révèle que David Cameron a obtenu des mesures discriminatoires au profit de ses nationaux et protectionnistes pour ses entreprises. Qui pourraient ne pas être réservées au Royaume-Uni…
Des hommes et femmes politiques, des journalistes et des experts de tous genres se perdent en conjectures, soit pour comprendre si David Cameron a gagné dans l’accord passé vendredi 19 février 2016 au soir entre les ving-huit pays membres de l’Union européenne, s’il aura les moyens de remporter le référendum auquel il convoque les électeurs du Royaume-Uni, soit pour savoir si l’Europe a cédé le contrôle de l’euro, ou au contraire n’a rien cédé du tout, etc.
Mais on doit s’interroger aussi, sinon surtout, sur ce qu’a dit l’Union européenne sur elle-même, par la bouche « unanime » des chefs d’Etats et de gouvernements. Pour cela il faut aller lire les « conclusions » du Conseil qui se révèlent être rien moins qu’un petit traité de la préférence nationale, version UE…
Un petit traité de préférence nationale version UE
Les « conclusions » rappellent en premier lieu les limites du droit actuel à la circulation des citoyens de l’Union : ceux qui n’ont pas de travail doivent, pour s’installer dans un autre pays membre que le leur, prouver qu’ils ont des moyens de subsistances autonomes et qu’ils ont aussi des assurances (santé…) qui éviteront de devenir une charge pour le pays d’accueil. A défaut, ils peuvent être expulsés.
Les « conclusions » permettent de plus au Royaume-Uni de discriminer les travailleurs européens en réservant à ses nationaux le plein bénéfice de l’équivalent de nos allocations familiales, ou de notre prime pour l’emploi, afin de rendre la Grande-Bretagne moins attractive socialement… Les « 28 » s’engagent d’ailleurs à aller plus loin :
« Il est légitime de tenir compte de cette situation et de prévoir, au niveau de l’Union comme au niveau national, des mesures qui, sans créer de discrimination directe ou indirecte injustifiée, permettent de limiter les flux de travailleurs d’une importance telle qu’ils ont des incidences négatives à la fois pour les États membres d’origine et pour les États membres de destination. Il est dûment pris note des préoccupations exprimées par le Royaume-Uni à cet égard, dans la perspective de prochaines évolutions de la législation de l’Union et du droit national applicable. »
On notera qu’en Europe, ce sont les discriminations « injustifiées » qui sont proscrites… Et si l’on comprend bien les conclusions, les 27 autres pays ne pourront pas appliquer une telle règle aux citoyens britanniques présents sur leur sol !
Comme la City est la fille aînée de la Grande-Bretagne, elle obtient aussi dans les « conclusions » une sorte de statut à part, protectionniste. Les banques britanniques ne seront pas assujetties aux mêmes règles que celles du continent :
« Le droit de l’Union relatif à l’union bancaire, qui confère à la Banque centrale européenne, au Conseil de résolution unique ou à des organes de l’Union exerçant des fonctions similaires autorité sur les établissements de crédit, s’applique uniquement aux établissements de crédit situés dans des États membres dont la monnaie est l’euro (…) Des dispositions particulières (pour les banques hors zone euro) pourraient se révéler nécessaires dans le cadre du règlement uniforme et d’autres instruments pertinents ».
Restant dans l’Europe (si les électeurs britanniques le décident lors du référendum qui aura lieu, a-t-on appris ce samedi, le 23 juin), Londres gardera toutes les prérogatives d’un pays membre éminent : aucune réunion formelle d’aucune institution de l’UE ne peut avoir lieu sans la présence de représentants de la Grande-Bretagne : les juges britanniques de la cour de justice européenne, par exemple, tranchent les litiges relatifs à l’euro ou à l’espace Schengen, ou à la charte des droits européens, ou a l’espace de justice européen, alors que l’Angleterre est exempte d’appliquer ces volets des traités. C’est vrai aussi pour le Parlement européen, le conseil écofin (la zone euro est « informelle »)… Etc.
Pour l’heure les « conclusions » n’engagent l’Union que vis-à-vis du Royaume-Uni et à condition que celui-ci décide de rester dans l’UE. Mais c’est une clause de style. Que les citoyens disent yes ou no au référendum sur le Brexit n’y changera rien : n’importe quel gouvernement d’un pays membre, pour peu qu’il soit assez costaud pour imposer un rapport de force politique, pourra exiger d’en bénéficier dans l’avenir.
On tirera quelques conclusions paradoxales de l’accord de Bruxelles :
– Ce n’est pas parce qu’on est dans l’Union européenne qu’on ne peut pas mettre en place des mesures protectionnistes internes…
– Ce n’est pas parce qu’on est souverainiste, comme les Britanniques, qu’on ne peut pas être aussi ultra libéral, comme David Cameron…
– Ce n’est pas parce qu’on se fiche de l’Union européenne qu’on est mis à la porte de l’Europe…
– Enfin, que l’Union européenne a par avance accepté les exigences d’un éventuel gouvernement Front national, parti qui veut absolument quitter l’Union européenne !
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