Invitée politique de Laurent Ruquier sur France 2 samedi soir, la ministre de la Justice démissionnaire a donné à voir un numéro d’équilibriste de haute volée : tapant dur sur la déchéance de nationalité en caressant le président de la République qui le porte. Christiane Taubira aurait-elle définitivement décidé de muer ses emportements en murmures ?
C’est une émission que Manuel Valls devrait montrer à ceux de ses ministres qui ne savent pas tenir leur langue. Invitée politique de l’émission “On n’est pas couché” (ONPC) samedi soir sur France 2, Christiane Taubira s’est livrée à un numéro d’esquive à faire pâlir d’envie les communicants qui chuchotent à l’oreille de nos politiques. Et le sujet qu’elle a le mieux évité est pourtant celui qui a provoqué son départ du gouvernement il y a dix jours : la déchéance de nationalité.
Que les choses soient claires : la déchéance, Christiane Taubira est contre. Cela, elle l’a dit sans ambiguïté. Alors que Laurent Ruquier lui faisait remarquer que la confusion entourant aujourd’hui le projet de loi était telle que celui-ci pourrait bien finir par passer à la trappe et qu’elle aurait alors démissionné pour rien, l’ex-garde des Sceaux rétorque qu’elle n’aurait alors “aucun regret, parce que si ça ne passe pas, on aura évité d’abîmer notre Constitution (…), parce qu’on ne compose pas avec les principes (…), parce que sincèrement, je souhaite l’échec de cette disposition”. Les mots sont hauts, la parole est forte.
“Je ne porte pas de jugement sur le président de la République”
Là où les choses se gâtent, c’est quand Laurent Ruquier pointe l’initiateur du projet de loi polémique : François Hollande, qui l’avait annoncé dans son discours au Congrès le 15 janvier : “Est-ce qu’il est allé trop vite ?” “Je ne porte pas de jugement sur le président de la République”, balaie la loyale démissionnaire. Et de répéter son argument fétiche face à cette question : le pays “a besoin d’institutions fortes” face aux dangers qui le menacent “donc je serai la dernière à affaiblir les institutions”. CQFD.
L’esquive s’apparente alors à un numéro d’équilibriste pour Christiane Taubira : comment accuser la déchéance de nationalité de mettre en péril de manière “fondamentale” les valeurs républicaines sans attaquer celui qui la porte ? Bonnes âmes, les journalistes autour de la table tentent de la sortir de l’ornière : est-ce la droite qui a forcé la main du président, tente Ruquier ? “Non, parce que je considère que le président est responsable de ses choix, de ses mots, de ses actes”. Alors, c’est Manuel Valls qui l’influence, essaie Léa Salamé… Non plus, s’agace Taubira : “Je vous demande simplement de faire l’effort de sortir de vos obsessions de vouloir absolument qu’un ancien membre du gouvernement mette en cause le président de la République”.
« Il y a une chose qui vous contredit de manière absolue, c’est ma décision de m’en aller”
“Mais qui la porte cette réforme constitutionnelle, qui parle au Congrès de Versailles de déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France, qui ensuite arbitre et va encore plus loin dans la dernière version du texte (…) ? C’est François Hollande ou ce n’est pas François Hollande ?”, insiste Léa Salamé. Las, la ministre n’en démordra pas : tout en assassinant le projet de loi, elle refuse d’égratigner son inventeur. Et d’asséner : “Vous pouvez faire tous les raisonnements que vous voulez, il y a une chose qui vous contredit de manière absolue, c’est ma décision de m’en aller”.
Ce faisant, l’ex-garde des Sceaux s’inscrit dans un rôle, il faut le lui reconnaître, plutôt inédit… Quand Jean-Pierre Chevènement disait qu’un ministre “ça ferme sa gueule ou ça démissionne”, Christiane Taubira invente en effet : un ministre, ça démissionne ET ça ferme sa gueule ! Une position qui virera à l’absurde quand, interrogée sur l’autre polémique qui occupe actuellement le chef de l’Etat, elle aura cette double réponse dans la même phrase : « Les primaires font partie de la vie démocratique » mais « c’est le choix » de François Hollande de s’y soumettre ou pas…
Sauf à considérer que le président sort du champ politique à partir du moment où il entre à l’Elysée, curieuse posture que celle de cette ministre claquant la porte du gouvernement avec fracas pour ensuite murmurer ses critiques. N’ayant cessé de clamer sa liberté tant qu’elle était au gouvernement, Christiane Taubira paraît l’abdiquer une fois sortie. Contredisant ce qu’elle regrettera elle-même à la fin de l’émission, interrogée sur la montée des conservatismes : “Ce qui est terrible c’est le silence, l’incapacité (des progressistes) à faire monter leur voix”.
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