Tueries du 13 novembre – Adieu, Badiou

Le philosophe Alain Badiou vient de faire paraître un essai dans lequel il tente de penser les tueries du 13 novembre… où les causalités élémentaires du terrorisme sont pulvérisées.

Le philosophe Alain Badiou est aux antipodes de l’humanisme républicain. C’est son droit, c’est son choix. Il est encore des microcénacles où sa haine du « capitalo-parlementarisme » (sic) lui vaut une fébrile approbation. Tant mieux pour lui. A Marianne, nous n’avons jamais été bluffés par ses grands airs. Nous ne nous sommes jamais confits en génuflexions devant sa radicalité fielleuse et ses crocs-en-jambe éditoriaux. Chaque fois que l’ex-chef mao a dérapé, nous l’avons dit, nous l’avons dénoncé. Chaque fois qu’il a remplacé l’argument par l’anathème, voire par l’injure (Ségolène Royal : « une belette » ; Nicolas Sarkozy : « l’homme aux rats », etc.), nous l’avons porté à la connaissance de nos lecteurs. Pour qu’ils jugent sur pièces. Nous pensions (lentement) classer le dossier.

Quelle erreur ! Badiou passe un cap dans l’impardonnable. Et en tire gloire. Dans une quasi-plaquette publiée par Fayard*, il reprend une conférence prononcée au lendemain du multiple attentat du 13 novembre. La lecture de ses analyses « à chaud » vaut son pesant de mystification idéologique. Les terroristes au kalachnikov jetés par une tiède nuit parisienne contre des centaines de civils, comprend-on, ne sauraient être les vrais coupables. Ce serait trop simple. Trop bête.

Ses analyses du 13 novembre valent leur pesant de mystification idéologique
A l’altitude où le professeur dissèque cette tragédie, les causalités élémentaires sont pulvérisées : « Les tueurs d’aujourd’hui, écrit-il, sont en un certain sens de typiques produits du désir d’Occident frustré, des gens habités par un désir réprimé […]. Ils s’imaginent être portés par la passion antioccidentale, mais ils ne sont que des symptômes nihilistes de la vacuité aveugle du capitalisme mondialisé, […] de son incapacité à compter tout le monde dans le monde qu’il façonne. » Le philosophe reconnaît certes aux donneurs d’ordre des assassins, c’est-à-dire à l’organisation Etat islamique, une « forme fascisante ».

Mais c’est pour aussitôt attribuer la responsabilité de leur hyperviolence aux entreprises multinationales – mais oui, c’est bien sûr ! – avides de conquérir de nouveaux marchés, au prix du « zonage » d’Etats faibles en Afrique ou au Moyen-Orient.

D’où cette exhortation finale : surtout, ne pas riposter à l’internationale de l’épouvante islamiste. Bref, s’empresser de ne rien faire. Logique : « Ce ne sont pas les « barbares », pérore l’auteur, qui ont déclaré une guerre, mais c’est l’Etat français qui est allé, à la remorque des firmes et quelquefois des Américains, se mêler à des affaires impériales bourbeuses […] et créer par-là même l’ensemble de la situation dont j’essaye de faire le panorama. »

*Notre mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre, d’Alain Badiou, Fayard, 72 p., 5 €.

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply