Juppé ou Sarkozy ? A droite, rien n'est fait

Malgré des sondages de plus en plus favorables à Alain Juppé et l’énorme trou d’air que traverse Nicolas Sarkozy, la désignation du candidat de la droite pour la présidentielle de 2017 est loin d’être acquise.

A droite, rien n’est fait. Malgré des sondages de plus en plus favorables à Alain Juppé et l’énorme trou d’air que traverse Nicolas Sarkozy, la désignation du candidat de la droite pour la présidentielle de 2017 est loin d’être acquise.

Pourquoi ? Parce que les experts, en dépit de tant de déconvenues passées, continuent de réagir comme le bon peuple : ils prolongent les courbes, alors que nous savons d’expérience que l’inversion des courbes est une constante de la vie politique, du moins en démocratie. Mais nous avons beaucoup moins d’imagination que l’Histoire et sommes incapables d’imaginer l’avenir autrement que comme un prolongement du présent.

Dans le cadre du match Juppé-Sarkozy, deux arguments plaident en sens contraire. Le premier, qui devrait permettre à Sarkozy de conserver l’espoir, c’est ce que l’on pourrait appeler le mirage du centre droit. Pour l’avoir déjà exposé ici, je peux aller vite. Maintes élections, sous la Ve République, l’ont déjà démontré : l’électorat de droite, pendant la phase préparatoire à l’élection présidentielle, penche régulièrement pour le candidat le plus modéré et le plus proche du centre. Mais, au dernier moment, il opte pour le plus à droite, qu’il estime plus solide et antidérapant.

C’est ainsi qu’en 1969 cet électorat a longtemps penché pour Poher avant de se décider pour Pompidou ; qu’en 1974, après avoir fait les yeux doux à Chaban-Delmas, il a fini par céder à Giscard ; qu’en 1988 Raymond Barre a été finalement abandonné au profit de Chirac ; et que celui-ci, éternel miraculé, a fini par prendre en 1995 le meilleur sur Edouard Balladur, pourtant donné grand favori. Et qu’enfin, en 2007, Nicolas Sarkozy a largement devancé François Bayrou, pourtant en pleine euphorie.

On notera avec intérêt qu’à gauche c’est généralement le contraire qui se produit. La gauche, très identitaire, a un tropisme sentimental pour son aile radicale, mais se décide finalement en faveur du plus modéré.

Pourquoi ce comportement de la droite ? Parce que, en l’absence de confrontation directe entre les candidats, l’opinion est surtout sensible aux qualités intrinsèques de chacun, ainsi qu’à l’opinion des médias et des éditorialistes, qui adorent la case du centre droit.

C’est ainsi qu’Alain Juppé apparaît aujourd’hui irrésistible parce que ce sont ses positions et ses propositions qui sont les plus rassurantes, et les plus compatibles avec l’humeur moyenne des Français. Il est le PPCM, le plus petit commun multiple à tous les citoyens, ou, si l’on préfère la comparaison viticole, le « petit rosé qui va avec tout », plutôt que le grand bordeaux…

Mais vienne la confrontation réelle et les qualités intrinsèques à chacun s’effacent au profit du positionnement politique. Rien ne dit que l’humeur droitière de l’opinion ne finisse pas par profiter à Nicolas Sarkozy.

A un détail près, qui pourrait se révéler décisif. Nicolas Sarkozy tente aujourd’hui un exercice extrêmement difficile, qui est d’être après avoir été, de revenir après être parti. Or, dans ce type d’élection, être le sortant est un avantage ; être un revenant est un handicap. Un retour en politique est le plus souvent perçu comme un retour en arrière ; et la machine électorale, comme une machine à remonter le temps. L’incroyable désamour dont souffre aujourd’hui Sarkozy est une forme d’impopularité différée et rétrospective, y compris dans son propre camp, à l’exemple de celle qui s’abattit jadis sur Valéry Giscard d’Estaing quand il tenta – et rata – le même exercice.

Pour le moment, deux hommes et deux seulement ont réussi un retour au plus haut niveau : Raymond Poincaré comme président du Conseil en 1926, après avoir été président de la République de 1913 à 1920. L’autre, Charles de Gaulle lui-même, après sa traversée du désert de 1946 à 1958. Le premier était attendu comme sauveur du franc. Le second, comme sauveur de la France. Or, pour le moment, je ne vois pas à Sarkozy une tête de sauveur.

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