Le festival Premiers Plans d’Angers a commencé le 23 janvier pour sa 28e édition. Zoom sur le dernier long métrage d’Hubert Viel, « Les filles au Moyen Âge », avec Michael Lonsdale, à qui le festival rendra hommage toute la semaine.
La 28ème édition du festival de cinéma Premiers Plans a ouvert ses portes le samedi 23 janvier à Angers. Consacré aux premières œuvres cinématographiques européennes, Premiers Plans a permis, années après années, de défricher et d’honorer les nouveaux talents du cinéma français, parmi lesquels Mathieu Amalric, Noémie Lvovsky, Valérie Donzelli, Abellatif Kechiche, François Ozon, Xavier Beauvois ou encore Arnaud Desplechin qui le préside cette année en compagnie de Laeticia Casta. Des collaborateurs de Marianne sont présents tout au long du festival qui se déroule jusqu’au 31 janvier ; des portraits, des critiques et des entretiens seront publiés toute la semaine.
>> Plus d’infos sur le site du festival.
Un hommage particulier est rendu cette année au « filmeur » idiosyncrasique Alain Cavalier, cinéaste de l’épure et de l’intime, dont les vingt œuvres principales – depuis Un américain (1958) jusqu’à Le Paradis (2014) – sont projetées. Le réalisateur de Vol au-dessus d’un nid de coucou et d’Amadeus, Miloš Forman, est lui aussi l’objet d’une rétrospective exhaustive. Le Festival est également l’occasion d’offrir un échantillon de la belle et longue carrière cinématographique de Michael Lonsdale qui est d’ailleurs présent à l’occasion de cette édition 2016.
Les spectateurs du festival ont également pu cette année découvrir en avant-première le dernier film d’Hubert Viel, Les Filles au Moyen Âge, avec ledit Michael Lonsdale. Parler du Moyen Âge dans une fiction en noir et blanc, à partir d’un scénario tiré de la lecture d’ouvrages historiques spécialisés, une idée folle ? A priori, peut-être… Idée risquée, que de faire souffler un vent de féminisme sur une époque qu’on croyait obscurantiste, et nommer ses vaillantes héroïnes Euphrosine, Irmingarde, ou Mélisandre ? Oui, risquée, sans doute, mais Hubert Viel l’a eue, et en a fait un film à la fois très surprenant et très convaincant. Il faut dire que ce voyage dans le passé lointain des nobles courtoises ou des preux chevaliers est initié par le récit d’un «conteur né», dixit Hubert Viel, un Michael Lonsdale au sommet de son art. Sage érudit et grand-père idéal, il lance les filles du temps présent dans l’aventure du récit historique avec une malice tendre et nonchalante que son dos voûté et le vieux jogging informe qui lui tient lieu de costume dans le film ne parviennent pas à masquer.
Et l’idée de faire disparaître très vite le corps de Lonsdale, pour ne garder que «off» sa voix douce, parfaitement ciselée et souvent colorée d’une pointe d’amusement, quand l’histoire au présent et en couleur bascule dans une reconstitution burlesque et naïve en noir et blanc : un pari fou ? Non, au contraire, pari osé, redoublé par le choix audacieux de faire interpréter Clovis, Charles VII ou Jeanne d’Arc par six enfants (trois filles, trois garçons) qui jouent au moine et à la théologienne (ou au roi et à la reine) comme d’autres joueraient aux cow-boys et aux squaws. Une douzaine de saynètes parfois désopilantes s’enchaînent pour nous faire gambader à travers mille ans d’histoire de France, de la chute de l’Empire romain jusqu’à la veille de la Renaissance, en passant par un épisode surprenant de la vie de Jeanne d’Arc, interprétée par une petite blonde gouailleuse (Chann Aglat) à la diction si parfaite qu’elle en devient drôle.
La fraîcheur du jeu des enfants, qu’on imaginerait bien sur scène à un spectacle réussi de fin d’année de CE2, sous les yeux éberlués de leurs parents, fait très naturellement écho à la simplicité des décors naturels ou dépouillés, sous-bois ensoleillés ou nef d’église carolingienne. Si le comique vient souvent des anachronismes qui s’invitent par touche brève dans les dialogues (par ailleurs assez écrit et respectueux de véracité historique) comme dans la fameuse série Kaamelott, le film sait aussi user du registre poétique, dans une image adoucie par le grain du super 16 mm et une éclatante lumière printanière qui n’est pas sans évoquer celle de Rohmer dans Les Amours d’Astrée et Céladon. Les petites filles, ici, jouent des rôles de femmes combatives, intelligentes, courageuses, et c’est aussi cette belle énergie d’avant les tourments de l’adolescence, flamme de l’enfance et moteur des exploits adultes, qui nous fait sans doute adhérer si bien au film.
Une oeuvre inattendue, gonflée, joyeuse, qui réussit l’exploit de faire s’esclaffer une salle entière tout en donnant dans le générique de fin, avec un beau souci pédagogique, une liste de repères bibliographiques pour qui voudrait acquérir quelques éléments de savoir historique sur le féminisme et la modernité de ce Moyen-âge décidément trop méconnu.
*Les Filles au Moyen Âge, d’Hubert Viel (2015), avec Michael Lonsdale, Chann Aglat, Léana Doucet, Malonn Lévana…
Production : Artisans du film – Distribution : Potemkine Films
Sortie le 27 janvier 2016
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