Démission de Taubira : la fête à droite… avant la gueule de bois ?

L’opposition clame bruyamment sa satisfaction après le départ de la garde des Sceaux. Mais ce nouveau tour de vis gouvernemental, qui conforte la ligne de Manuel Valls, lui laisse de moins en moins de prise pour critiquer l’action de l’exécutif.

« Taubira démission ! » Ce slogan, l’un des préférés de la droite, ne retentira plus à l’Assemblée nationale, dans les meetings ou sur les réseaux sociaux. En annonçant le départ de la garde des Sceaux, ce mercredi 27 janvier, François Hollande a décroché du mur la cible principale des fléchettes — souvent contestables de l’opposition. Un acharnement qui confortait son statut d’icône de la gauche, acquis lors du débat homérique sur le mariage pour tous il y a trois ans. Ce qui inspirait récemment à un conseiller de François Hollande ce commentaire mi-amusé, mi-inquiet : « Plus la droite demande son départ, plus ça va être difficile de la remplacer… »

« Elle va terriblement me manquer », ironise Patrick Balkany.

Alors forcément, ce mercredi à l’Assemblée nationale, on avait envie de demander aux députés Les Républicains (LR) s’ils n’allaient pas se sentir un peu orphelins. « Elle va terriblement me manquer », ironise Patrick Balkany auprès de Marianne, avant de se reprendre bien vite : « C’est quand même la première bonne décision qu’elle prend depuis qu’elle est ministre ! » Hervé Mariton, l’un des adversaires les plus acharnés du mariage pour tous, s’est déjà consolé : « Nul n’est irremplaçable ! » Sans surprise, dans l’hémicycle, l’opposition est restée assise pendant la standing ovation des députés de gauche. Quelques huées ont même retenti, les dernières d’une longue série à l’encontre de l’intéressée.

En coulisses, certains s’inquiètent pourtant de voir disparaître du banc des ministres un tel punching-ball. « C’est vrai que ça nous fait un argument de moins, murmure-t-on dans l’entourage du patron des députés LR, Christian Jacob. Christiane Taubira faisait figure de repoussoir pour notre électorat. » « Elle incarnait tout ce qui débecte la droite. C’était vraiment un électron libre, et ça, c’était insupportable pour notre électorat qui aime l’ordre », appuie un député.

D’autant que le profil de son successeur Jean-Jacques Urvoas, très en phase avec la ligne sécuritaire de Manuel Valls, laisse moins de prise à la critique. « C’est la sérénité et la compétence », concède le député LR des Yvelines Jacques Myard. « On va finir par se demander qui est encore de gauche dans ce gouvernement », ironise son collègue de la Manche, Philippe Gosselin.

La droite n’a plus tellement d’arguments pour empêcher Hollande d’avoir « sa » révision constitutionnelle.

Preuve que si la droite s’est enivrée de l’annonce de cette démission — « une bonne nouvelle pour le pays », pour ne citer que François Fillon —, elle pourrait bien vite dessaouler. D’autant que le départ surprise de la garde des Sceaux a occulté une autre information : la présentation par le Premier ministre d’une nouvelle version de la révision constitutionnelle prévoyant l’extension de la déchéance de nationalité. Avec cette mouture, qui gomme la mention des binationaux, Manuel Valls cherche à apaiser sa gauche. Mais il n’a pas oublié la droite. Selon le nouveau texte, la déchéance de nationalité ne concernerait pas seulement les auteurs de crimes, mais aussi ceux d’un délit « qui constitue une atteinte grave à la vie de la nation ». Or, cette demande a été expressément formulée par Les Républicains le 6 janvier, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy.

Un moyen aussi, donc, de couper l’herbe sous le pied de la droite. Car si Nicolas Sarkozy peut se satisfaire de voir ses propositions prises en compte, il ne lui reste plus tellement d’arguments pour empêcher François Hollande d’avoir « sa » révision constitutionnelle. Dans les couloirs de l’Assemblée, le député Pierre Lellouche en est réduit à maugréer : « Je suis pour la déchéance, mais je ne comprends toujours pas pourquoi il faudrait modifier la Constitution, au lieu de passer par une loi ordinaire ». Quand on critique la forme, c’est qu’on n’a plus grand-chose à dire sur le fond.

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply