VIDEO – Ces moments qui ont fait de Taubira une égérie lors du mariage pour tous

Alors que Christiane Taubira quitte ce mercredi le ministère de la Justice, la légalisation du mariage et de l’adoption pour les couples homosexuels restera le temps fort de son passage place Vendôme. Avec une éloquence et un lyrisme particuliers, la ministre aura défendu pied à pied sa loi, forçant l’admiration d’opposants et même, parfois, l’adoration à gauche. Retour sur les moments les plus forts de ce débat.

« L’acte que nous allons accomplir est beau comme une rose dont la tour Eiffel assiégée à l’aube voit enfin s’épanouir les pétales »

29 janvier 2013 : à l’ouverture du débat sur le mariage et l’adoption pour tous, la ministre de la Justice monte à la tribune de l’Assemblée avant sa collègue de la Famille, Dominique Bertinotti, qu’elle a déjà entrepris d’éclipser en portant le sujet dans une interview à La Croix. Mais c’est avec ce long discours que Christiane Taubira commence à marquer vraiment le débat de sa patte toute personnelle. Pendant une demi-heure, sans notes, la ministre défend le texte et démonte point par point les arguments de la droite. Terminant sur ces mots (à partir de 27’45) : « Vous avez choisi de protester contre la reconaissance des droits de ces couples, c’est votre affaire, nous, nous sommes fiers de ce que nous faisons, et nous somme si fiers de ce que nous faisons que je voudrais le définir par les mots du poète Léon-Gontran Damas : ‘L’acte que nous allons accomplir est beau comme une rose dont la tour Eiffel assiégée à l’aube voit enfin s’épanouir les pétales, il est grand comme un besoin de changer d’air, il est fort comme le cri aigu d’un accent dans la nuit longue.« 

« Monsieur le député, vous n’allez pas nous faire croire que vous vivez dans un igloo ! »

Dès avant l’ouverture officielle du débat parlementaire, Christiane Taubira défendait déjà avec vigueur le projet de loi, comme ce 19 décembre 2012 où elle lance à un député qui accuse la gauche de vouloir « détruire le mariage » (à partir de 3’15) : « Monsieur le député, vous n’allez pas nous faire croire que vous vivez dans un igloo et que vous n’avez aucune connaissance de la diversité des familles dans ce pays ! Que vous ignorez complètement qu’il y a des familles homoparentales dans ce pays, que vous ne savez pas qu’il y a autant d’amour dans des couples hétérosexuels que dans des couples homosexuels, qu’il y a autant d’amour vis-à-vis de ces enfants et que tous ces enfants sont les enfants de la France ! Alors oui, Monsieur le député, le gouvernement présente un texte de loi de grand progrès, de grande générosité, de fraternité et d’égalité et nous apportons la sécurité juridique à tous les enfants de France.« 

Face à Wauquiez : « Nous nous faisons le devoir de réfréner nos aversions »

La garde des Sceaux répond cette fois à une question de Laurent Wauquiez (UMP), s’attirant une standing ovation (à partir de 6’45) : « Puisque le mariage des homosexuels n’enlève strictement rien aux hétérosexuels, posons les mots sur des sentiments et des comportements (…) et je dis que oui, il reste hypocrite de faire semblant de ne pas pas voir ces familles homoparentales et ces milliers d’enfants qui sont exposés au regard social réprobateur ! Vous nous parlez des effets psychologiques sur les enfants mais les effets psychologiques, ils sont d’abord sur le regard social, ils sont d’abord sur la discrimination, ils sont d’abord sur le rejet, ils sont d’abord sur le refus d’une citoyenneté ! (…) Sur l’intime, Monsieur le ministre, nous, nous nous faisons le devoir de réfréner nos élans, de réfréner nos sympathies, de réfréner nos aversions, parce que nous statuons en droit ! »

Face à Mariton : « La différence n’est pas un prétexte pour l’inégalité des droits »

Cette fois, Christiane Taubira répond à Hervé Mariton, député UMP fer de lance de la lutte contre sa loi. Une explication de texte où l’on retrouve l’un de ses poètes favoris : « Dans ses poèmes, Léon-Gontran Damas, oui, parle de la différence, et interpelle sur le respect, mais la différence n’est pas un prétexte pour l’inégalité des droits (…) D’ailleurs justement, je vais vous dire ce qu’il vous aurait dit (…), lorqu’il dit ‘: Nous les gueux, nous les peu, nous les chiens, nous les rien, nous les maigres, nous les nègres, qu’attendons-nous ? Qu’attendons-nous pour faire les fous, pisser un coup sur cette vie stupide et bête qui nous est faite ?' »

« Le ‘triangle noir’, c’est inqualifiable ! »

Ce jour-là, le député UMP Elie Aboud ose employer l’expression, « triangles roses » et « triangle noir« , en parlant du sujet de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels. Une allusion directe aux symboles utilisés par les nazis dans les camps de concentration. La ministre s’étrangle : « Monsieur Aboud, je trouve juste inqualifiable de faire un mot d’esprit sur une expression pareille, parce que vous dites ce ne sera pas le triangle rose une véritable tragédie, et vous ajoutez ce sera le triangle noir ! Je veux juste croire que c’est fortuit, c’est inqualifiable ! » L’incident entraînera un échange musclé avec le chef des députés UMP, Christian Jacob, qui lui lancera : « Vous êtes indigne ! », en renvoyant l’emploi de la référence polémique au député PS Christian Assaf, qui avait effectivement lancé que « le temps du triangle rose est terminé ». Mais sans ajouter de « triangle noir« …

Douillet le misogyne renvoyé à ses « tapettes« 

Cette fois, la ministre affronte le député UMP et ex-champion de judo David Duillet, qui accuse le gouvernement de « saccager la vie d’enfants à des fins électoralistes« . Christiane Taubira lui répond en citant des extraits de l’autobiographie qu’il a fait paraître, intitulée L’Ame du Conquérant : « Oui je suis misogyne mais tous les hommes le sont sauf les tapettes. Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas valorisant ». Et de lui lancer : « Cela devrait vous inciter à plus de nuance et de modestie ». Le « conquérant » est au tapis.

« Nous serons simplement plus nombreux pour chanter ‘Le temps des cerises' »

17 avril 2013 : après un passage au Sénat, le texte de loi revient à l’Assemblée pour une deuxième lecture. L’occasion pour Christiane Taubira de refaire la démonstration de son éloquence à la tribune, encore une fois sans notes. Citant d’abord le poète René Char — « Signe ce que tu éclaires et non ce que tu assombris » —, elle conclut en évoquant celles et ceux qui attendent l’adoption de cette loi : « Et nous serons simplement plus nombreux pour chanter ‘Le temps des cerises’ : ‘Et gais rossignols et merles moqueurs qui seront tous en fête et nul n’aura peur des chagrins d’amour… » Ces paroles de chanson n’adouciront pas les moeurs des opposants puisque dès le lendemain, les débats se termineront presque en pugilat, un député UMP (Philippe Cochet) n’hésitant pas à lancer dans l’hémicyle : ‘Vous êtes en train d’assassiner des enfants ! »

« Restez avec nous, gardez la tête haute, vous n’avez rien à vous reprocher ! »

Le mardi 23 avril, à 17h07 précises, l’Assemblée nationale adopte, par 331 voix contre 225, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. C’est une Christiane Taubira très émue qui se présente alors au micro du gouvernement pour conclure enfin le vif et long débat, en s’adressant notamment aux jeunes homosexuel(le)s, qui ont subi de plein fouet l’opposition souvent violente à sa loi : « Nous voulons dire en particulier aux adolescents de ce pays qui ont été blessés, désemparés ces derniers jours, plongés dans un désarroi immense, qui ont découvert une société où une sublimation des égoïsmes permettait à certains de protester bruyamment contre les droits des autres, nous voulons leur dire simplement qu’ils ont toute leur place dans la société ; que nous les reconnaissons à leur place dans la société, avec leurs mystères, avec leurs talents, leurs défauts, leurs qualités, leurs fragilités ; que c’est cela, la singularité de chacun d’entre nous, indépendamment de toute question sexuelle. Chacun d’entre nous est singulier. C’est la force de la société, c’est même la condition de la société, la condition de la relation dans la société. Alors nous leur disons : si vous êtes pris de désespérance, balayez ces paroles qui vont s’envoler ! Restez avec nous, gardez la tête haute, vous n’avez rien à vous reprocher ! »

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply