L’Europe découvre que la liberté de pouvoir égalitairement «se déplacer, se rencontrer, se parler, s’épouser», selon la belle formule de Dominique Schnapper, n’est qu’un acquis de la civilisation occidentale.
Ils sont paniqués. Mais ils ont moins peur pour les femmes que pour eux. Ils pensaient qu’il suffisait, une fois de plus, de ne pas voir ce qu’ils voyaient. Le pogrom sexuel de Cologne a été plus difficile à escamoter que ceux de la place Tahrir, au Caire. Ils ont pourtant essayé : médias, élus, police. Mais la dissimulation est plus facile en détail – on parle de «faits divers», de «déséquilibrés» – qu’en gros. Ils se sont rabattus sur leur vieux réflexe : accuser l’extrême droite de «récupérer» ce qu’ils ont étouffé pour «ne pas faire le jeu» de l’extrême droite. La presse a ressorti ses fiches «populistes» et «néonazis». Cela ne marche plus. Alors ils se vengent sur les policiers. Mais à peine leur chef limogé à Cologne les langues se délient ailleurs, racontant des faits similaires. Pareillement censurés. Des investigateurs rétrospectifs révèlent qu’en 2014 et 2015 le festival de musique We Are Stockholm a connu de mêmes agissements visant femmes et fillettes de 12 ans. Et qu’on avait envisagé de séparer le public par sexe… Le Premier ministre suédois accuse sa police de «déni de démocratie» pour avoir caché ce qu’il ne voulait pas savoir : l’explosion des viols dans son pays. La police, nulle partout ? Elle a simplement fait partout ce qu’on lui demandait : fermer les yeux.
Autre réaction, imputer l’embarrassante réalité aux victimes plutôt qu’aux coupables. La maire de Cologne demande aux femmes d’être «mieux préparées» quand elles sortent et de se tenir à «une distance des hommes plus longue que le bras tendu». Les lycées proches de foyers de réfugiés incitent les parents à veiller à ce que leurs filles soient habillées «discrètement». Le chef de la police de Vienne est plus expéditif : «Les femmes ne devraient plus sortir seules la nuit.» Dans nombre de quartiers européens ces conseils sont déjà la norme, au nom d’un principe rappelé par l’imam de Brest : «Si la femme sort sans honneur, qu’elle ne s’étonne pas que les hommes abusent de cette femme-là.» Rien de nouveau, l’on se souvient qu’il y a dix ans le mufti de Sydney avait été plus pédagogue : «Si vous placez de la viande dans la rue sans la couvrir et que les chats viennent la manger, qui doit-on blâmer, les chats ou la viande à l’air ?» Les femmes, invitées à renoncer à leur liberté de mouvement, ne sont pas les seules victimes. Il y a également les hommes, tous suspectés de n’être que des prédateurs sexuels incapables de se contrôler. Mais aussi tous ces musulmans profitant de leur présence en Europe pour se libérer du machisme islamique et qui pâtissent de l’amalgame créé par ces consignes générales.
Cette régression n’est pas un échec de la politique d’intégration, mais le résultat de celle prônée officiellement par l’Union européenne, mettant l’accueillant et l’accueilli sur le même planCette régression n’est pas un échec de la politique d’intégration, mais le résultat de celle prônée officiellement par l’Union européenne, mettant l’accueillant et l’accueilli sur le même plan : «L’intégration est un processus dynamique à double sens d’acceptation mutuelle de la part de tous les immigrants et résidents des Etats membres.» Le Canada va déjà plus loin en conseillant aux fonctionnaires femmes de ne pas tendre la main à leurs interlocuteurs musulmans et de ne pas les regarder dans les yeux. Angela Merkel avait reconnu que le «multiculturalisme a totalement échoué parce qu’il conduit à des sociétés parallèles». Elle a sous-estimé cet échec : l’une des «sociétés parallèles» peut violemment déborder sur l’autre. Son appel soudain à «faire respecter nos valeurs» contredit des décennies de propagande sur «les différences culturelles qui nous enrichissent». Différences paradoxalement niées quand elles sont vraiment différentes et inconciliables, qu’il s’agisse des femmes, des homosexuels ou de l’antisémitisme.
L’Europe découvre que la liberté de pouvoir égalitairement «se déplacer, se rencontrer, se parler, s’épouser», selon la belle formule de Dominique Schnapper, n’est qu’un acquis de la civilisation occidentale. Cette culture de la relation entre les sexes soumise à la double règle de la liberté et de l’égalité se voit menacée par l’importation d’une «culture fondamentalement hostile aux femmes», comme l’explique aujourd’hui la féministe égyptienne Mona Eltahawy. Et comme le disait hier l’anthropologue Germaine Tillion, récemment panthéonisée, mais dont on n’ose plus lire l’œuvre fondatrice sur le malheur des femmes de culture musulmane interdites d’espace public et soumises à l’empire de mâles adulés dès leur plus jeune âge.
L’immigration de masse n’apporte pas seulement des forces de travail et des reproductrices interchangeables, mais des morceaux de sociétés avec leurs traditionsLe syndrome de Cologne révèle l’effet liberticide d’une politique d’immigration que les responsables européens n’ont considérée que sous ses aspects économique et démographique pour satisfaire patronat et caisses de retraite. L’immigration de masse n’apporte pas seulement des forces de travail et des reproductrices interchangeables, mais des morceaux de sociétés avec leurs traditions. Chacun a légitimement envie de continuer à vivre comme il a toujours vécu, surtout lorsqu’il y est encouragé au nom du droit à la différence. Mais ce «respect de l’autonomie de chaque culture» entre vite en conflit avec l’égalité des individus. La Suisse, toujours tatillonne, s’interroge ainsi sur l’arrivée de migrants avec des «épouses» de moins de 16 ans.
C’est le paradoxe des dirigeants occidentaux de ne plus pratiquer le volontarisme politique que dans le domaine «sociétal», mais de ne pas voir les dégats sociétaux de la «diversité» qu’ils encouragent aveuglément. Ce qu’avait en revanche bien vu l’écrivain et féministe berlinois Peter Schneider, quand il avait répliqué de manière prémonitoire au fameux «L’islam appartient à l’Allemagne !» d’Angela Merkel : «Non, l’islam n’appartient pas à l’Allemagne parce que nous ne connaissons aucune version de l’islam qui reconnaisse une séparation entre Etat et religion et qui accepte la pleine égalité entre hommes et femmes. En revanche appartiennent à l’Allemagne tous les musulmans qui reconnaissent les valeurs de notre démocratie.»
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