Lundi se tenait le bureau national du Parti socialiste censé se décider sur l’épineuse question de la déchéance de nationalité. Résultat, il faudra revenir. Jean-Christophe Cambadélis l’équilibriste ne voulant pas se retrouver dans une position inconfortable vis-à-vis de l’exécutif.
Pris en étaux. Depuis que le président de la République a lancé l’idée d’inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité pour les binationaux convaincus de terrorisme, Jean-Christophe Cambadélis, le patron des socialistes, avance en terrain miné. Et ne cesse de temporiser, pris en tenaille par une double nécessité. D’un côté, contenir des socialistes de plus en plus remuants qui dépassent les seuls rangs de l’aile gauche à l’image de David Assouline, Olivier Faure et même du très hollandais Jean-Marc Ayrault et, de l’autre, continuer à apparaître comme un soutien du gouvernement. Résultat, rien ne bouge rue de Solférino.« On va être le seul parti de France à ne pas avoir une position claire sur la déchéance« , se désole ainsi auprès de Marianne un élu socialiste. En cause, un Cambadélis tétanisé à l’idée de faire un faux pas. En témoigne le bureau national du PS qui s’est tenu ce lundi.
« On nous avait annoncé que le 18 janvier, le PS arrêterait enfin une position officielle, déjà que le bureau du 11 janvier avait été annulé en invoquant la concomitance avec les commémorations. Résultat, Cambadélis a bien pris soin de ne pas trancher », confie un participant. Avant la séance, plusieurs membres de l’aile gauche avaient pourtant proposé malicieusement leur service pour la rédaction d’un texte de position, mais le premier secrétaire a décliné leur offre tout en diplomatie. « »Camba » leur a rappelé courtoisement que cela faisait partie de ses prérogatives », s’amuse ce même socialiste. Le patron du PS leur expliquant « expressément » qu’il « ne faut surtout pas mettre un pistolet sur la tempe de Valls et d’Hollande au risque de les pousser à aller au clash », abonde un membre de la motion B. Résultat, rien n’est sorti de ce bureau national.
Stéphane Le Foll a laissé transparaître à quelques reprises son agacement, notamment lors de la prise de parole de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui s’opposait à la déchéance. A noter que Jean-Jacques Urvoas, député et Président de la commission des lois qui a été chargé de trouver une formule magique pour faire passer la pilule – « l’homme providentiel » comme s’amuse à l’appeler certains au PS – a brillé par son silence. Au regret de certains de ses camarades qui auraient aimé l’entendre un peu.
Car dans leur grande majorité, les interventions, une vingtaine, sont allées contre l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution. Pourtant, le premier secrétaire ne s’est pas découvert d’un pouce. Tout juste Martine Aubry a réussi, en fin de session, à ce qu’il dise officiellement qu’il avait reçu mandat pour s’entretenir avec François Hollande ce vendredi et obtenir quelques réponses. Le président de la République ayant annoncé qu’il rencontrerait ce vendredi les présidents de groupes parlementaires, Bruno Le Roux et Didier Guillaume.
« On se retrouve avec 75% du Bureau national qui est contre la déchéance, dont plusieurs proche du Président, Jean-Marc Ayrault, Julien Dray, David Assouline ou Henri Weber mais Jean-Christophe Cambadélis ne se décide pas », résume ainsi un socialiste. C’est tout le paradoxe qui traverse actuellement le Parti socialiste. Des socialistes majoritairement d’accord, en l’occurrence sur le retrait de l’article 2 du projet de réforme constitutionnelle, avec un patron refusant d’avaliser ce consensus. Christophe Borgel, secrétaire national du PS et député de la Haute-Garonne n’y voit lui aucune reculade ou renoncement : « L’objectif du premier secrétaire est clair. C’est de trouver une solution à ce débat, non pas au sein du PS, ni même de la gauche mais au niveau de l’ensemble de la représentation nationale. L’union nationale, au regard des périls qui nous guettent, est une exigence. Si vous n’avez pas l’union nationale, vous n’avez pas le rassemblement du pays », défend-t-il. Lui considère qu’il faut laisser le temps aux discussions d’aller à leur terme et à Jean-Jacques Urvoas de travailler à la meilleure formulation possible. En revanche, ce proche de Cambadélis voit dans la violence du verbe de certains de ses camarades le véritable problème :« On est dans un pays où la gauche aime les grandes phrases et les mots qui claquent. C’est ce qui cristallise les discussions », regrette-t-il.
Jean-Christophe Cambadélis a donc réussi à repousser l’échéance d’une semaine encore. Mais, le temps presse, les discussions parlementaires s’ouvrant le 3 février. Quelques petites semaines à peine pour trouver une position la moins inconfortable pour lui. Car à force de jouer à l’équilibriste, Camba risque fort de se retrouver au tapis…
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