En lançant son « Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe ! », Elisabeth Badinter a osé s’attaquer à cet interdit de « l’islamophobie », d’autant plus discutable que mal défini. Depuis trente ans, elle est la mauvaise conscience de la gauche sur cette question.
Il y a ceux qui font semblant de ne pas l’avoir entendue. Et ceux qui font semblant d’avoir entendu autre chose. «Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe !» C’est clair. Elisabeth Badinter a rompu le ronron d’une commémoration interminable, plus suivie par les médias que par les Français, qui ont boudé Johnny, Hollande et cette répétition d’hommages tournant en rond. Ils se lassent des grandes phrases automatiques qui noient le poisson.
Elisabeth Badinter a osé s’attaquer à cet interdit de l’«islamophobie» d’autant plus indiscutable que mal défini, comme l’a bien résumé Michel Houellebecq, s’assumant «islamophobe», tout en rappelant : «Le mot « phobie » signifie « peur » plutôt que « haine ».» Peur d’une religion perçue comme «intolérante» par 75 % des Français. Une peur partagée à gauche, 70 % des électeurs de Mélenchon estimant que l’islam cherche «à imposer son mode de fonctionnement aux autres». Et cette peur n’étant ni entendue ni traitée, les attentats «ont conforté l’opinion populaire dans l’idée qu’il y a un problème avec l’islam que les élites ne veulent pas voir», analyse le philosophe Marcel Gauchet.
Lâcheté des élites qui a laissé les islamistes et leurs alliés assimiler l’islamophobie au racisme pour «fermer le bec de toute discussion sur l’islam», explique Elisabeth Badinter qui veut trancher ce nœud coulant idéologique. «A partir du moment où les gens auront compris que c’est une arme contre la laïcité, peut-être qu’ils pourront laisser leur peur de côté pour dire les choses.» En quelques phrases sont résumés l’objectif et la méthode du concept militant d’islamophobie ainsi que son résultat, en grande partie atteint : accorder à l’islam un statut dérogatoire lui épargnant la mise au pas qu’ont subie judaïsme et christianisme. Depuis trente ans, droit et pouvoirs publics font plus montre d’islamophilie que d’islamophobie.
Et, depuis trente ans, Elisabeth Badinter est la mauvaise conscience de la gauche, principale responsable de cette régression. «La laïcité, devenue synonyme d’islamophobie, a été abandonnée à Marine Le Pen. Cela, je ne le pardonne pas à la gauche.» Dans les années 80, la philosophe se faisait accuser d’«ethnocentrisme» par Jack Lang parce qu’elle combattait l’acceptation de la polygamie et de l’excision alors prônée à gauche au nom du respect de la différence. Elle alertait sur l’installation du communautarisme, «cette idée que tous les rituels culturels ou religieux, y compris les plus intégristes, sont respectables et doivent être respectés». Elle dénonçait le sabotage d’une tradition universaliste portée depuis un siècle par la gauche. Pourquoi ? Hier, «par manque de courage». Aujourd’hui, «par électoralisme». Comment ? Par le «déni : pour avoir la paix, on pense qu’il suffit de nier les problèmes».
L’intimidation à l’islamophobie clôt tout débat. Il y a treize ans, les Territoires perdus de la République, recueil de témoignages d’enseignants révélant l’ampleur de l’antisémitisme d’importation musulmane, avaient été qualifiés d’«islamophobes». Aujourd’hui, et malgré ce qui s’est passé, Charlie Hebdo subit toujours la même accusation. Cette escroquerie est aidée par des sociologues pensionnés par le CNRS qui ont inventé le concept de «musulman facilitateur d’islamophobie», l’attribuant à Malek Boutih, Mohamed Sifaoui, Soheib Bencheikh, Abdennour Bidar, aux militantes algériennes des droits de la femme en exil à Paris, et plus généralement aux musulmans appelant à un islam respectant les droits de l’homme. Elle profite aussi de la paresse des médias acceptant de se faire enfumer par des associations islamistes qui dressent des «statistiques» d’«actes islamophobes» incluant des condamnations pour entreprise terroriste, des expulsions d’imams antisémites, des fermetures de salles de prière illégales et des provocations contre la loi sur les signes religieux à l’école, elle-même qualifiée d’islamophobe…
Mais, comme le disait Charb, ces militants œuvrant à l’islamisation font moins peur que les idiots utiles qui leur donnent du crédit. Outre le Parti socialiste, qui les reçoit rue de Solferino, le comble est la légitimité que leur apporte le très officiel Observatoire de la laïcité, dont le premier réflexe a été de donner une interview à ces manipulateurs pour répliquer à Elisabeth Badinter. Cet Observatoire qui n’observe rien est présidé par Jean-Louis Bianco, lequel avait étrenné sa sinécure en expliquant qu’«il n’y a pas de problème de laïcité en France» tout en appelant ensuite avec le Parti socialiste au «développement de l’enseignement confessionnel musulman»… Il a laissé son second produire un tweet indigne sur la philosophe, cette fine équipe pensant avoir ainsi identifié l’ennemi principal du moment. Pour se désolidariser de cette dinguerie, trois des membres de l’Observatoire de la laïcité, l’ancien ministre socialiste Jean Glavany, la sénatrice radicale de gauche Françoise Laborde et l’ancien grand maître du Grand Orient Patrick Kessel ont suspendu leur participation à cet organisme qui dépend de… Matignon ! Manuel Valls, qui considère que «l’islamophobie est le cheval de Troie des salafistes» et dit vouloir défendre la laïcité, pourrait commencer par là : trancher clairement entre la gauche Bianco et la gauche Badinter.
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