Expliquer ou ne pas expliquer le terrorisme : quand Manuel contredit Valls

Samedi 9 janvier 2016, lors de l’hommage aux victimes de l’Hyper Cacher, Manuel Valls a affirmé : « il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » Une bien belle contradiction de Valls version 2015, lorsque, à propos des mêmes attentats, le Premier ministre avait dénoncé l’existence d' »un apartheid territorial, social, ethnique » qui pouvait expliquer la naissance de « l’islamisme radical » et donc du terrorisme.

A qui faut-il se fier ? Au Manuel Valls de 2015 ou à celui de 2016 ? Ce samedi 9 janvier, lors de l’hommage aux victimes de l’Hyper Cacher, tombées sous les balles d’Amédy Coulibaly, le Premier ministre a voulu frapper fort. Rappelant avec force que « sans les juifs de France, la France ne serait pas la France » et appelant à trouver une réponse commune aux attaques antisémites, il en a aussi profité pour ajouter sa contribution à un débat qui agite les milieux intellectuels depuis les contributions conceptuelles de Pierre Bourdieu aux sciences sociales. Quitte à se contredire lui-même.

« Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser », a-t-il déclaré avant de renchérir : « Rien ne peut expliquer que l’on tue à des terrasses de cafés ! Rien ne peut expliquer que l’on tue dans une salle de concert ! Rien ne peut expliquer que l’on tue des journalistes et des policiers ! Et rien ne peut expliquer que l’on tue des juifs ! ». En somme, une dénonciation de ce qu’on appelle le « sociologisme« , attribué à tort à l’apport conceptuel de Pierre Bourdieu. Cette tentation que certains sociologues de bistrots ont de vouloir absolument tout expliquer par les déterminismes sociaux et culturels des individus, opération consistant à les déresponsabiliser en leur enlevant, entre autres, leur libre-arbitre.

Sauf que le 20 janvier 2015, deux semaines après les attentats de Charlie Hebdo et de la porte de Vincennes, le même Manuel Valls, lors de ses vœux à la presse, et dans une tentative de début d’explication, lâchait sans frémir qu’il existe « un apartheid territorial, social, ethnique » en France. « Nous devons combattre chaque jour ce sentiment terrible qu’il y aurait des citoyens de seconde zone ou des voix qui compteraient plus que d’autres. Ou des voix qui compteraient moins que d’autres. (…) Dans de nombreux quartiers, chez de nombreux compatriotes, ce sentiment s’est imposé qu’il n’y a plus d’espérance et la République doit renouer avec l’espérance », expliquait-il. Une sortie qui avait fait vivement réagir la droite. Face à la polémique, le Premier ministre s’était confié au JDD pour préciser sa pensée : « Le risque, dans ces territoires qui sont des poudrières sociales, c’est que, faute d’espérance, la dérive, la criminalité, l’islamisme radical trouvent un terreau fertile. C’est sur ces bases-là que l’islamisme radical cherche à prendre le pouvoir, à prendre le contrôle de l’économie souterraine et des consciences ».

Sans chercher donc à trouver des excuses aux citoyens tombés dans l’islamisme radical et par extension, tentés de passer le pas de la violence armée, Manuel Valls essayait alors de démontrer que, dans certains « quartiers populaires », pouvaient exister des zones à risque en matière de radicalisation. La faute à un « apartheid territorial, social, ethnique ».

Du coup, on ne sait plus vers quel « penseur » se tourner. Au Valls de 2015 ou celui de 2016 ?

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